Régime Dukan, constipation et acides gras

Le roi des régimes, actuellement, c’est le régime Dukan.

A moins que vous ne viviez dans une grotte, ce qui au passage ne manque pas de sel si vous suivez une diète paléolithique, impossible d’y échapper. Qui ne connaît pas une personne dans son entourage qui pratique Dukan ?

Je ne vais pas détailler en long, large et travers ce régime. Il repose sur la prédominance des protéines, tout au moins dans ses premières phases, celles où l’on doit mincir. Les protéines sont mises en avant, au détriment des autres sources de calories, les lipides et les glucides. Manger de la viande est attractif et c’est là le point de génie (marketing) du régime : manger à sa faim, sans se soucier des quantités. Les légumes sont aussi de la partie, et le dukanien devra connaître des alternances entre jours de PP (protéines pures) et jours de PL (protéines et légumes) selon ses préférences. C’est un régime protal, à ne pas confondre avec un régime crotale, sauf si les serpents sont de votre goût.

régime dukan
Pierre Dukan en mars 2011 : génie du marketing, ou sens aigu de la pédagogie ?

Première constatation : le régime fonctionne. A moins d’être sévèrement atteint de la thyroïde, un tel régime ne peut que fonctionner : on mange moins grâce à l’action coordonnée des protéines (et de leurs capacités à stimuler la satiété, notamment le tryptophane et la glutamine) et des corps cétonés engendrées par la restriction glucidique. Sur ce point, ce régime est un décalque du régime Atkins, les graisses en moins. A moins que ça ne soit un régime Pritikin, les glucides en moins ? Je note que ce régime hypocalorique fonctionne avec très peu d’huiles riches en oméga6, réduit drastiquement les aliments trafiqués/transformés (sauf les gâteaux Dukan…gasp !) riches en glucides raffinés : dans ces conditions, la perte de poids est quasi-assurée ! Un point qui m’agace un peu : une certaine indulgence vis à vis des édulcorants artificiels.

Deuxième constatation : le régime fonctionne quand il est appliqué…moins quand il est abandonné. Je m’explique : une fois le poids atteint désiré, les dernières phases de Dukan (consolidation et stabilisation) sont les moins comprises, à moins que lui-même ne comprenne pas comment reprendre une alimentation normale, passé la phase d’amincissement. Le titre de son livre est bien « je ne sais pas maigrir », pas « je ne sais pas manger ». Après avoir tant insisté sur les protéines et diabolisé les autres types de calories, on ne sait plus trop ce que l’on peut réintroduire dans le cadre d’une alimentation normale. Et là, patatras, une bonne partie des dukaniens, retombe dans les excès d’avant-guerre d’avant-régime.

Le fait est que ceux qui se sont privés de gras et de sucre vont louper cette période, tant par frustration engendrée par les précédentes que par manque de calories externes. En effet, il y a des dangers derrière un régime couronnant à ce point les protéines. On peut noter par exemple l’existence du mal de Caribou, ou appelée famine du lapin (Rabbit Starvation) : sur le sujet vous pouvez lire ce sujet sur Answers Yahoo, ou le site Contrapositive Diary.

Que nous dit Eugene Linden dans le magazine Forbes FYI ?

Il est possible de mourir de famine en mangeant de la viande maigre. Je vais faire court. Les anciennes tribus de l’Ouest connaissait ces problèmes et n’auraient jamais mangé de bison femelle au printemps parce que les vaches bisones enceintes ou s’occupant de leurs enfants brûlent leur réserves de graisses pendant les mois d’hiver, laissant peu de calories dans leur chair qui aurait pu aider les indigènes à digérer les pures protéines de la viande. Des explorateurs comme Randolph Marcy ont découvert cette dure vérité. Des membres de son expédition de 1856 vers le Wyoming ont continué de s’affaiblir et perdre du poids même ils consommaient 6 livres de cheval ou de mule par jour. Le problème : les chevaux et mules étaient si affamés que leur viande n’avaient pas de gras.

En pratique, la viande consommée par les dukaniens est probablement un peu plus grasse, mais je tenais à pointer les dangers, et le côté contre-nature d’une telle pratique, à l’opposé de ce que recherchaient nos ancêtres. Malheureusement Dukan est issu d’une génération qui tient l’hypothèse lipidique comme vraie, et a donc a appris à détester les graisses, surtout les graisses animales saturées, les présentant comme le grand satan, fort pourvoyeur de (mauvais) cholestérol qui va boucher les artères. Soupir…Sur ce sujet, je trouve assez curieux qu’on lui reproche d’être un régime mauvais pour le cœur en le confondant délibérément avec Atkins, alors que c’est précisément le point de divergence principal. Dukan, c’est en fait une version politiquement correcte de Atkins.

Et quand il s’agit de réintroduire des féculents, je ne pense pas que Dukan fasse la différence entre les céréales et les pommes de terre. Le docteur Davis a sorti il y a peu Wheat Belly, un ouvrage recensant les méfaits du blé moderne. Mais Dukan devrait aussi (re)lire Seignalet sur les problèmes du blé : gluten, lectines et acide phytique ne sont pas vos amis. Loren Cordain pense que c’est la pire des céréales. Comme je le dis souvent : le blé peut vous empoisonner à petit feu, sans que vous n’en soyez conscient, y compris même si vous n’êtes pas céliaque. Les maladies associées sont vraiment diverses et variées. Le maïs est à peine moins néfaste. Le riz blanc, et surtout les tubercules sont bien meilleurs pour nous.

Aussi, en reprenant une alimentation « normale » les dukaniens ne savent plus trop comment remanger, et donc remangent des aliments qui vont potentiellement les faire regrossir, parce que de toute manière il faudra réintroduire des calories, et qu’à mon sens Dukan pèche de ce côté-là : toutes les calories ne se valent pas, et sa méthode ne réapprend pas à manger, ou pas aussi bien qu’il le prétend, à vrai dire un tel enseignement se retrouve plutôt dans Nourishing Traditions de Sally Fallon. Un régime c’est à vie, sauf que la phase amincissante de son régime est intenable à long terme ! Et beaucoup sont perdus. Il existe des régimes tout à fait tenables et « aphasiques » comme l’est le régime méditerranéen, par exemple, mieux compris par la population.

Aussi, je souhaiterais mettre en avant un problème présent chez Dukan, et comment il le résout : de la pire des façons, bien entendu. C’est la constipation. La consommation de viande cuite pose ce problème. Pyrrhonic Sea Cruising dans un de ses habituels commentaires sensés me signale que la viande crue est plus digeste que la viande cuite. Je suis prêt à le croire. La constipation n’était pas connue chez les Inuits et pour cause : la viande était crue, mais surtout, ils mangeait de la viande fermentée…ou pourrie selon la sensibilité de chacun. La fermentation est un point positif, il est probable qu’ils aient été amenés à l’expérimenter parce qu’apportant des bénéfices supplémentaires pour la digestion, je vais y revenir.

Dukan apporte à ma connaissance, deux solutions. La première, l’huile de paraffine ne va pas être synthétisée par le corps et donc empêcher la digestion : non seulement c’est infect au goût, mais la stéatorrhée n’est pas un état souhaitable ! La seconde, le son de blé est à double tranchant : il contient des fibres, certes, mais c’est issu du blé, et donc contenant en soit ce qui peut causer le syndrome de l’intestin irritable.

Si Dukan était moins lipidophobe, il aurait pu conseiller d’autres solutions qui prendront soin du côlon. Les acides gras sont nos amis, il faut les aimer aussi ! Et le meilleur ami du côlon, c’est un lipide, un acide gras à chaîne courte que l’on nomme acide butyrique (ou butyrate). Cet acide gras ne se stocke pas, il fournit directement et uniquement de l’énergie rapide pour le corps, il se comporte comme un glucide en fait, sauf que sa forme, sa structure le rattache aux acides gras. Il y a plusieurs sources d’acide butyrique.

Sources directes d’acide butyrique : on en trouve un peu dans le fromage, mais surtout dans le beurre, à raison de 3g par 100g de beurre : une cuillère à café de beurre cru doit aider à la digestion. Aussi, tout les aliments fermentés contiennent apparemment de l’acide butyrique, cet acide est un sous-produit de la fermentation : viande (principale raison de la non constipation des inuits), choucroute,…la liste est sans fin.

Sources indirectes d’acide butyrique : une bonne partie des fibres fermente (on y revient toujours) dans le côlon et c’est à ce moment-là que le corps peut se procurer du butyrate. Je suis prêt à parier que les dukaniens qui connaissent la constipation en phase PL (protéines et légumes) choisissent des légumes plus pauvres en fibres, et oui, certains sont plus égaux que d’autres comme dirait Orwell. D’autres aliments sont riches en fibres et devraient avoir la sympathie de Dukan, ils sont hélas trop riches en graisses : les amandes, ou encore les graines de lin (de préférence moulues). Pour l’anecdote : les herbivores comme les vaches se sont fait une spécialisation de fermentation, allant jusqu’à faire fermenter la cellulose : sont-elles en cétose permanente à cause d’un régime alimentaire riche en graisses ? Je n’en sais rien, si un spécialiste du métabolisme des vaches pouvait confirmer ou infirmer…

La plus importante source d’acide butyrique indirecte chez nos contemporains, et qui reste surprenante est issue de l’amidon résistant*, que l’on trouve dans les féculents (céréales, pomme de terre). L’amidon n’est pas une fibre, en théorie. On constate que les liens entre les molécules d’amidon comptent : s’ils sont forts, l’amidon est résistant, et nos enzymes échouent à transformer l’amidon en glucose au niveau de l’intestin grêle. Cet amidon résistant ressort donc indemne au niveau du côlon, où les bactéries (important la flore bactérienne !) prennent le relais, font fermenter cet amidon résistant (semblable à une fibre…les fibres sont aussi des polymères de glucose de toute façon), et le transformer en cet acide gras bénéfique.

acide butyrique effets
Effets du butyrate sur les muqueuses du côlon de souris – tiré du blog huntgatherlove.com

L’essentiel est donc que l’amidon des féculents soit résistant : comment ? En faisant cuire les féculents, et en les laissant refroidir. Le refroidissement retend ces fameux liens. Notons que le pain, et encore plus le pain complet (à base de blé) contiennent de ce fameux amidon résistant, ainsi, certains abandonnent le pain, gagnent au passage une meilleure santé, mais peuvent rencontrer des problèmes de constipation, s’il y a manque de fibres et/ou d’acide butyrique. Il faut surtout retenir que le riz, les patates ou les pâtes sont à manger froids : si vous devez surveiller votre Index Glycémique, c’est un bon point, et vous recueillerez les avantages évidents de cet amidon.

Alors que faut-il penser du régime Dukan ? Qu’il fait mincir. Mais aussi que Dukan, reste fidèle à une hypothèse lipidique périmée, et échoue à pointer les vrais coupables de la prise de poids : de ce fait, pour certains dukaniens, la phase de consolidation peut être synonyme de retour à la case départ : rebonjour protéines pures…phase de consolidation, reprise de poids…

« Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? »

« Je ne vois rien que le dukanien qui yoyoie, et son énergie qui se perdoie » .

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* Il existe plusieurs types d’amidons résistants : je faisais référence à l’amidon de type 3 bien entendu (cf Inra de Nantes)

5 commentaires sur “Régime Dukan, constipation et acides gras

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  1. Pour avoir fait un régime grandement basé sur une grande consommation de protéines, j’approuve plus ou moins ce qui est dit ici. Le plus important est surtout la reprise d’une phase d’amincissement vers une alimentation moins restrictive. Mais il faut bien garder à l’esprit que fondamentalement, il faut toujours faire attention à ce que l’on mange. Il y a surement deux manières de voir l’apres régime : soit on reprend l’alimentation comme avant le régime et on court à la castastrophe, soit on voit la poursuite de notre politique d’alimentation comme similaire à celle du régime avec simplement quelques écarts …

  2. La partie sur l’amidon résistant m’a particulièrement intéressé. Il semblerait que je tolère les végétaux cuits (légumes, riz, tubercules) seulement bien FROIDS. Il est possible que l’amidon résistant entre en jeu… Néanmoins, une autre piste me semble digne d’intérêt (dans mon cas) : la chaleur emmagasinée dans ces aliments une fois cuits est énorme ! On s’en aperçoit quand on cherche à les refroidir avec tant d’eaux fraîches… En comparaison, de l’eau chaude est très vite refroidie. Les physiciens parleraient de capacité thermique. Tous les estomacs ne gagnent peut être pas à être ainsi réchauffés.

    1. Ah d’accord. C’est vrai pour ma part que les semaines patates froides avec haricots verts froids se passent très bien pour ma part, j’ai cette habitude « héritée » de mes parents, comme quoi…

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