J’avais relativisé la question de la vitamine C il y a quelques temps sur cet article. Je voulais nuancer un peu mon propos.
Martine de Nutrition et Santé a publié ce tableau indiquant les teneurs en micro-nutriments du foie de bœuf, de la viande rouge, des carottes, et des pommes.
La teneur en vitamine C du foie de bœuf est assez exceptionnelle. Intuitivement (à confirmer) il serait normal de retrouver des concentrations voisines dans le foie des autres animaux, dont celui des poissons, par exemple.
Quelles sont les implications rationnelles de toutes ces informations ?
– la vitamine C n’est pas l’apanage des seuls végétaux, le foie, cru, d’un animal en bonne santé contient énormément plus de vitamine C que bon nombre de fruits ou légumes, par exemple (mais pas le chou-fleur par contre avec 44 mg pour 100g)
– la concentration sanguine en vitamine C doit-être haute pour assurer une vie en parfaite santé
– Elle dépend de plusieurs facteurs, dont la quantité ingérée au cours d’un repas (les entrées pour parler de manière comptable), mais aussi.
– même avec peu de glucides dans l’alimentation, c’est le niveau du glucose sanguin qui est à surveiller, car il détermine les pertes de vitamine C (les sorties). Ainsi, un régime riche en glucides (sains), devra toujours comporter davantage de vitamine C pour compenser l’utilisation de la vitamine par le corps.
– Attention : un régime trop riche en protéines peut aussi augmenter le niveau du glucose sanguin. Etant donné qu’un régime riche en protéines régule l’appétit, cela indiquerait un appétit encore insuffisamment régulé pour d’autres raisons, comme par exemple des calories insuffisantes, sous forme de lipides par exemple. La filière néoglucogénèse serait excessivement utilisée.
Au final, un peuple de chasseurs-cueilleurs peut très bien avoir une concentration sanguine en vitamine C élevée, ne pas consommer beaucoup de vitamine C végétale, et ingérer régulièrement de la vitamine C dans les abats des animaux chassés – parce que quand même, il faut fournir la machine -. J’ignore toutefois la fréquence de consommation de ces abats (le foie est parmi le plus riche au niveau nutritionnel). Mais il serait logique que les besoins en vitamine C externe soient toutefois moindre que dans les sociétés qui consomment plus de glucides. Cela étant, la particularité des peuples consommant des glucides et étant en bonne santé est justement que la glycémie s’élève oui, mais relativement peu suite à un repas.
Oui la vitamine C est importante. Mais il faut savoir de quoi l’on parle : la concentration sanguine qui est sans doute corrélée à la santé d’un individu, la consommation journalière, ou l’utilisation par le corps de cette vitamine ? La concentration sanguine de vitamine C à un moment donné est un équilibre entre ces 2 paramètres, et ceux-ci varient selon les individus. Il est donc inutile, et peut-être néfaste de sortir du chapeau un AJR (Apport Journalier Recommandé) qui serait le même pour tout le monde.
Il n’y a ainsi aucune conclusion facile. Au niveau individuel, peut-être que l’utilisation d’un glucomètre pour connaître et suivre son taux de glucose sanguin avant et après les repas (et les types d’aliments) est peut-être un premier pas, tant pour connaître ses besoins en vitamine C, que pour connaître les aliments qui ont un effet néfaste sur votre glycémie. Sur ce sujet, sans même parler de biodisponibilité de la vitamine C des aliments -il va de soit que l’acide ascorbique synthétique ne passera pas dans le sang-, est-ce qu’un aliment comme le jus d’orange ne serait pas contreproductif, en apportant de la vitamine C, certes, mais en augmentant de manière trop brusque la glycémie, et donc une utilisation trop intense de vitamine C ? Je n’ai pas vraiment de réponse.

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Bonus, toujours sur la vitamine C : extrait de Nutrition and Physical Degeneration, par Weston A. Price (oui, encore).
Le fait que les Indiens avaient un certain savoir concernant l’usage des différents abats et morceaux des animaux pour fournir une défense contre certaines affections du corps, que je nomme maladies dégénératives, était surprenant. Quand j’ai demandé à un vieil Indien, via un interprète, pourquoi les Indiens n’avaient pas le scorbut, il répondit sur-le-champ que c’était une maladie de l’homme blanc. Je lui ai demandé s’il était possible que les Indiens aient le scorbut. Il répondit que cela l’était, mais que les Indiens savaient comment le prévenir, mais pas l’homme blanc. Quand je lui ai demandé pourquoi il ne disait pas à l’homme blanc comment il pourrait se prémunir contre le scorbut, sa réponse était que l’homme blanc en savait trop pour demander quelque chose aux Indiens. Je lui ai alors demandé de m’expliquer. Il disait qu’il le ferait si le chef lui autorisait. Il est allé voir le chef, et est revenu au bout d’un heure environ, en disant que le chef l’autorisait parce que j’étais un ami de la tribu, et que je leur ai dit de ne pas manger la nourriture du marché des blancs. Il me prit par la main, et m’emmena sur un rondin où nous nous assîmes tout les deux. Il m’a alors décrit comment il tuait un élan, l’ouvrait, et à l’arrière, juste au dessus des reins il y avait ce qu’il décrivait comme deux petites boules dans la graisse. Celles-ci, disait-il, les Indiens, les prennent et les partagent en autant de petits morceaux qu’il n’y a de petits et grands Indiens dans la famille et chacun mange son morceau. Ils mangent aussi la paroi du second estomac. En mangeant ces parties de l’animal, les Indiens se tiennent à l’écart du scorbut, qui est dû au manque de vitamine C. Les Indiens obtenaient la vitamine C des glandes surrénales et des abats. La science moderne a récemment découvert que les glandes surrénales étaient la source la plus riche en vitamine C, aliments animaux et végétaux confondus.
Bonjour,
« le foie, cru, d’un animal en bonne santé contient énormément plus de vitamine C que bon nombre de fruits ou légumes » ?
Teneurs en vitamine C de divers végétaux très communs, d’après le guide nutritionnel des plantes de F. Couplan, en mg/100g :
Cynorrhodon 1350, argousier 450, ortie 333, berce 290, chénopode blanc 236, amaranthe livide 210, égopode 201, mauve sylvestre 197, Bon-Henri 184, cassis 180, morelle noire 140, galinsoga 125, pissenlit 115, brocoli 95, hémérocalle 90, bardane 75, pourpier 66, feuille navet 60, citron 53, orange 53, topinambour 36, etc..
Le plus sûr moyen d’avoir assez de vitamines C semble être de simplement manger les parties vertes des plantes, à l’exception des deux premiers qui sont des fruits.
Et que pensez-vous des théories de Linus Pauling sur la vitamine C ?
Linus Pauling a vu en partie juste, mais comme je le précise, l’important c’est plus les concentrations sanguines de vitamine C, que la consommation en soi (failli écrire per se…locution latine utilisée en anglais !)
Papier pris au hasard : http://stroke.ahajournals.org/content/31/10/2287.short
En résumant ma pensée : si la fuite de la vitamine C est faible, le besoin d’en consommer est moins urgent (mais pas nul comme pour le cas des Indiens du Nord de l’Amérique)
Et je n’ai pas dit que le foie de boeuf contenait plus de vitamine C que la totalité des fruits et légumes 🙂
C’était pourtant juste, le foie de boeuf contient effectivement plus de vitamines C que bon nombre de fruits et légumes, mais il eût fallu rajouter que les légumes feuilles en contiennent généralement encore bien plus, et sans glucides.
Et à défaut de foie de boeuf ou d’autres animaux, les chasseurs cueilleurs en consommaient des quantités.
Pour l’anecdote, le bon foie de boeuf ce n’est pas facile à trouver. J’ai récemment acheté un veau d’alpage nourri à l’herbe mais à l’abattoir le vétérinaire a confisqué le foie parce qu’il était contaminé par une sorte de douve provenant des excréments de chien. Mais ce n’est pas grave, parce que je n’aime pas le foie et que j’adore la salade verte j’aurais donc ma dose de vitamine C 😉
Ah ah, je ne mange pas non plus de foie de boeuf, de temps en temps du foie de morue – oui bon… en boîte – quand j’en trouve. Mais il fallait quand même résoudre le problème des chasseurs cueilleurs du grand nord canadien (voire plus haut), avec un hiver assez âpre. Mais les autres saisons sont plus clémentes en effet, et ils ont accès à de la verdure 🙂
Je n’avais pas pensé aux saisons rigoureuses, mais du coup je me souviens avoir vu dans un reportage les Nenets de Sibéries qui buvaient le sang chaud des reines abattus pour récupérer les vitamines vu l’absence de végétaux comestibles à cette lattitude (et bien sûr ils mangeaient aussi leurs organes).
Il y a les saisons rigoureuses, et la quasi-totalité de l’humanité a traversé un âge glaciaire !
Pour compléter ma réponse, Linus Pauling a eu raison d’insister sur le rôle de la vitamine C, mais de là à en faire l’alpha et l’oméga de la santé humaine…! Ce rôle est détenu par la vitamine D à l’heure actuelle, si j’en juge sa popularité sur lanutrition.fr. C’est quand même assez réducteur.
Merci Sylvain et merci aussi pour l’histoire des indiens et du scorbut.
De rien c’est un plaisir 😉
Ce qui contribue de façon essentielle à l’équilibre alimentaire des peuples traditionnels vivant en contact direct avec la nature c’est les contraintes environnementales qui leur sont imposées. Ils sont encore ou étaient ipso facto normalement amenés à manger toutes les parties d’un animal et donc aussi le foie car la nourriture disponible est dans leurs conditions habituellement limitée.
Le civilisé moderne dispose au contraire le plus souvent maintenant d’une abondance de nourriture sans précédent dans notre histoire évolutive et il peut donc choisir ce qu’il soit-disant « préfère » et donc par exemple ne manger que du steak et jamais d’abats. Autrement dit il peut faire n’importe quoi et sa santé peut donc être n’importe quoi.
Ce choix très large d’aliments possibles à un instant donné est une pure caractéristique du monde civilisé moderne et paradoxalement une cause majeure des maladies qui accompagnent.
Cette situation très temporaire est le résultat de la découverte des énergies fossiles qui seules permettent une telle abondance pour le plus grand nombre mais bien entendu à l’échelle de nombreuses générations, cela ne va pas du tout pouvoir durer car ces ressources en énergie vont s’épuiser et le « problème » que j’évoque sans doute se résoudre tout seul dans le siècle qui vient.
Oui enfin bon :
-faut aimer la viande crue, ce n’est pas le cas de tout le monde. C’est pas demain la veille qu’on me fera manger de la viande crue (mais je n’ai pas dit que je mangeais de la viande carbonisée 😉 ! La viande cuite style « semelle de chaussure », je ne suis pas adepte non plus)
et…
-la viande, ça coûte un bras !!!!!!! On dit « gnagnagna fruits et légumes gnagnagna cher » => n’importe quoi. Je suis étudiante et j’ai un budget tout riquiqui. Et c’est bien la viande qui coûte le plus cher dans l’histoire.
Du coup, je préfère manger des poireaux et des poires que de la viande, ça coûte bien moins cher. Pour les protéines, je compense avec des oeufs, du poisson en boite, des mélanges de céréales et légumineuses.
Oui, je sais, le paléo que tu aies est au bord de la crise cardiaque en voyant que je mange des féculents mais je me porte merveilleusement bien : HDL, LDL, cholestérol total, triglycérides, glycémie, tout est impec. Aucun problème digestif ou cardiaque (dixit les divers examens que j’ai fait chez des médecins spécialistes). Et je me paye même le luxe de devoir PRENDRE du poids 😉 ! Mais rien à voir avec mon manque de viande car j’ai diminué ma conso de viande que depuis la rentrée alors que mon petit gabarit, ça fait depuis ma naissance que je me le coltine même en mangeant 2500 kcal par jour (malgré mes besoins théoriques d’environ 2000 kcal. Et non, non, aucune soucis de thyroïde non plus ^^)
Du coup, ceux qui disent « les féculents c’est maaaaaaaal, ça fait grossir, ça donne du cholestérol, des triglycérides, ça rend diabétique, ça donne la diarrhée, ça détraque tout, ça tuuuuuue » => euh, lol =) ?
Je pense qu’on est loin de tout connaitre sur le fonctionnement du corps humain vis à vis de la nourriture. On est tous différents, on a une activité physique différente, on vit dans des lieux avec des conditions climatiques différentes, et en plus, deux aliments qui portent le même nom (aller, au hasard, du jambon), peuvent avoir des effets sur l’organisme complément différents selon l’origine, la composition et la méthode de fabrication. Du coup, moi, les propos hyper affirmatifs concernant l’alimentation, je les prends avec des pincettes et, quelque soit le groupe d’aliments.
Mon article sur la vitamine C n’était pas à titre prescriptif, mais plutôt explicatif 😉
(je ne mange pas non plus ma viande crue, je me procure ma vitamine C avec des fruits et légumes frais)
Et les féculents ? Patate douce, tubercules en général, châtaignes, c’est très paléo…!
la vitamine C serait en compétition avec les glucides pour son assimilation, ce qui explique qu’un régime paléo plutot low carb ne nécessite pas les mêmes quantités que ce qui est préconisé actuellement.
Oui : https://clairetlipide.wordpress.com/2011/03/16/paleopportunisme/