Au-delà des calories… « Mangez moins ! »

Lecteurs qui passez par-là, jetez un coup d’œil sur les commentaires de l’article précédent à propos de l’huile de foie de morue, ils sont intéressants, et…relativement nombreux pour mon grand plaisir !

Le titre de cet article n’est pas fortuit, il y a plusieurs sources en anglais nommées Beyond Calories, mais cela fait quelques temps que le sujet et le titre me taraudent, donc, on va dire que c’est une coïncidence !

Ah les calories…on les accuse de nous faire grossir.

Bah oui, regardez, ceux qui sont gros s’empiffrent.

C’est là un raisonnement assez juste, mais terriblement peu explicatif du surpoids. Les vraies raisons sont ailleurs. Les gros mangent énormément, il est vrai. Le problème c’est que même un gros avec un poids stable depuis des années est un outremangeur. En effet, en grossissant, ses cellules adipeuses ont pris de l’envergure et se sont multipliées : la personne en surpoids surmange pour maintenir son poids…c’est un des paradoxes relevés par Gary Taubes. Sans doute que la théorie insulinique de Taubes est bancale et fausse à bien des égards (même si je reste persuadé que les troubles insuliniques jouent leur rôle, tardivement, mais ont un rôle quand même), le brave Gary a démonté avec panache la théorie des calories comme théorie expliquant l’obésité. Cette théorie stipule que l’on grossit parce que l’on consomme plus qu’on ne dépense – de calories-.

Il y avait l’objection du maintien du poids. Mais aussi de nombreuses expériences relatées dans Good Calories, Bad Calories montrent que certains régimes à restriction calorique (ex : prisonniers affamés…) échouaient à faire perdre du poids, voire même en faisaient gagner aux cobayes ! D’autres expériences aboutissaient à la conclusion que même en calculant les calories ingérées et les dépenses des individus, on ne tombait jamais sur la perte ou prise de poids prévue, quand ce n’était pas les résultats inverses qui sont arrivés !

De même, qui n’a jamais lu de témoignages de gens pratiquant un comptage de calories ingérés, et le comptage des calories dépensées (à grands renfort de cardio), et s’étonnant de stagner dans leur quête d’amincissement ?

En fait, la théorie initiale, n’est pas fausse, on ne peut pas tromper les lois de la physique. La vérité c’est qu’il y a une foule d’objections qui rend cette théorie…bancale. Par exemple, selon la nature de votre alimentation, vous contrôlez la dépense énergétique (donc les calories dépensées) : calories entrantes et calories sortantes…sont des valeurs dépendantes ! Certaines personnes adeptes de junk food ont ainsi un corps dépensant moins de calories (on va dire par volume de chair pour être précis) : cette léthargie peut-être combattue en remangeant des aliments vrais, souvent en diminuant les glucides.

Aussi les tables de calories sont trompeuses, parce qu’on se base notamment sur la fameuse règle d’or : 4kCal par gramme de protéine, 4kCal par gramme de glucide et 9kCal par gramme de lipide. C’est joli, mais ce sont des moyennes, calculées il y a des dizaines d’années par les fameux calorimètres. Le fait est que…ce sont des valeurs très théoriques. Dans la pratique, on métabolise tout ça assez différemment : les protéines ne se stockent pas par exemple, vu qu’elles servent quasiment qu’à la construction cellulaire et à la régénération du corps en général. Les lipides qui se stockent le mieux sont les acides saturés à chaîne longue (dont l’honni acide palmitique) et les monoinsaturés comme l’acide oléique. Herman Taller signe en 1962, avec déjà un titre très controversé, un ouvrage nommé Les calories ne comptent pas

herman taller
Les calories ne comptent pas…selon Herman Taller, cliquer pour avoir la taille réelle de l’image…et lire le texte

Cet ouvrage reprend un peu Banting là où il s’est arrêté : Herman Taller en 1962 promeut une diète pauvre en glucides et riche…en lipides…polyinsaturés : au vu des connaissances de l’époque il a constaté que les glucides (les hydrocarbones) aidaient au stockage et que les acides gras polyinsaturés ne se stockaient pas, contrairement aux saturés. Il recommande ainsi plein de poissons et d’huiles végétales ad libitum, et de la viande à condition qu’elle soit dégraissée. Sans restriction calorique, autant que vous avez faim. Le problème étant qu’à l’époque on ne fait pas de distinction entre oméga3 et oméga6, alors il recommande…de l’huile de maïs. Passeport pour l’inflammation, en quelque sorte…! On ressort amusé de cette lecture, notamment, comme pour Banting, à cause d’un côté suranné, même si l’on mesure depuis les progrès de la science, William Banting, c’était déjà le 19ème siècle.

Il est assez piquant que les tenants de la théorie des calories (dont certains très réputés comme…Lyle McDonald) omettent celle-ci quand ça les arrange, notamment quand ils abordent les glucides : les glucides se stockent difficilement en graisse, parce qu’ils ont un coût de conversion élevé – en acide monoinsaturé et saturé – : c’est donner le bâton pour se faire battre car c’est un parfait argument pour démonter la théorie qu’ils défendent, où en tout cas la complexifier au point de la rendre peu pertinente, voire inutile. Cela explique aussi pourquoi des régimes pauvres en graisses (mais pas totalement dépourvus non plus) semblent fonctionner, dans une moindre mesure toutefois. Notons que le fructose est un glucide qui se convertit mieux en lipide que le glucose, et qui a une fâcheuse tendance à monter les triglycérides, en plus de faire bosser le foie comme un damné.

Malgré tout ça…je pense que les calories restent une partie de l’équation du surpoids : dans la majeure partie des cas, outremanger amène à stocker le surplus…le problème c’est pourquoi outremanger ? J’avais émis le manque en micronutriments il y a quelques temps. Il y a d’autres pistes comme un déséquilibre hormonal : excès de cortisol, par manque de sommeil par exemple, ou excès de cardio, manque de sensibilité à l’insuline, et surtout à la leptine, considérée comme l’hormone maîtresse de la faim et de la satiété. Car il s’agit de ça avant tout : les régimes qui marchent apportent suffisamment de calories (et suffisamment… « pas assez » pour que le corps puise dans les réserves), suffisamment de micronutriments pour gommer les carences, et surtout régulent la faim entre les repas, et vous calent efficacement. Un régime qui restreint les calories mais vous laisse affamé 80% du temps est un mauvais régime, probablement voué à l’échec…probablement une des causes du yo-yo.

plaisir
La cinquième influence ou la dialectique du plaisir

La dernière piste en date que j’ai connu est celle du plaisir apporté par la nourriture, redécouverte par Stephan Guyenet (du blog Whole Health Source) d’après la lecture des des travaux et ouvrages de Michel Cabanac (dont la 5ème influence ou la dialectique du plaisir, qui ne traite pas que de l’alimentation d’ailleurs) : les aliments combinant le plus de saveurs et de textures agréables aux papilles sont le plus susceptibles de déclencher une boulimie instantanée (façon binge-eating), ou d’ouvrir l’appétit bien en grand…ce qui aboutit à une hausse des calories ingérées et à dépense constante, donc une prise de poids. Encore une fois ce ne sont pas les calories en soi qui font grossir, étant donné qu’à partir du moment où les calories consommées excèdent les calories dépensées, on prend *forcément* du poids : c’est une équivalence de la prise de poids en termes physiques, une lapalissade…une lipolissade devrais-je dire, la réelle cause du surpoids est ici l’excès de saveur qui conduit à augmenter démesurément l’appétit, via une action sur le cerveau. Le surpoids est causé bien sûr par l’intermédiaire du surplus de calories, mais se fait en deux temps, comme les maillons d’une chaîne.

Je suis moyennement convaincu par cette théorie : elle a du sens, mais stigmatise les gourmands (qui ne sont pas tous gros), et surtout quelles sont ses implications ? Faut-il manger fade ? Le riz c’est bien à condition de pas rajouter du beurre ? La viande grasse c’est bien aussi, mais sans féculents ? Je vais finir par croire que feu Montignac, qui prônait la dissociation, n’était pas si loin que ça de la réalité. Mais de nombreuses personnes mangent de manière gourmande sans prendre de poids non plus…j’attends plus de précisions parce que pour le moment, ça reste plus une piste sérieuse qu’une théorie, à mon sens, et surtout, elle n’explique pas tout les cas de surpoids (de manière générale, il serait vain de chercher une seule et unique cause, mais plutôt la conjonction de plusieurs).

Pour résumer ce bien bavard article :

–          expliquer la prise de poids par les calories revient à ne rien dire, ou faire une lapalissade.

–          cela ne veut pas dire qu’elles ne comptent pas mais que les causes de la prise de poids sont plutôt ailleurs, en amont.

–          la restriction calorique doit être vu comme une fin…mais pas comme un moyen : c’est la régulation de la faim qui prime  (et donc des calories…de qualité, riches en micronutriments), et qui assure la réussite d’une perte de poids, ou de la maintenance du poids désiré. La restriction calorique a de toute façon des points positifs pour la santé…au-delà du poids.

édition du 25 février 2012 :

Je constate que l’idée qu’il y a quelque chose qui précède la surconsommation de calories est…confirmée ! Voir cette news de lanutrition.fr.

Donc ça devient un truc du genre : « Je mange pas correctement » => « changements métaboliques et physiologiques » => « J’ai faim » => « Je (sur)mange en conséquence » => « Je prends du poids »

8 commentaires sur “Au-delà des calories… « Mangez moins ! »

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  1. Merci pour cet article, fort intéressant ! C’est aussi un des éléments sur lesquels je trouve qu’il y a beaucoup à dire, et en général trop de simplification.

    Le fait est que la prémisse est juste : excès ou déficit de calorie conduisent à la prise ou à la perte de poids. C’est évident. Rien à redire. Mais après, ça se corse :
    – Les calories avalées ne sont pas toutes absorbées.
    – Le degré et le mode de cuisson changent la disponibilité des calories des aliments.
    – L’absorption de ces calories à elle même un coût calorique variable.
    – Une calorie ingérée n’est pas à 100% une calorie utile si elle doit être convertie avant utilisation (protéine > glucose, ou glucose > glycogène, et…)
    – Et j’en oublie…

    Concrètement, par exemple, consommer 10g de glucose toutes les heures (snacking) pendant une journée de travail de 8h ne donne pas du tout le même résultat que les mêmes 80g de glucose absorbés au cours d’un repas. Mais alors pas du tout ! De même, l’effet métabolique de 150g de glucose n’est pas le même si l’ingestion se fait en un, deux ou trois repas.

    L’un des problèmes de la restriction calorique, c’est la faim. En pratique, il est pourtant possible de consommer peu de calories sans être dévoré par la faim. Mais il faut commencer par se demander d’où vient la faim ! C’est là que les opposants à la théorie du pur équilibre calorique soulèvent des lièvres intéressants. Prenons mes deux favoris :

    1 / Se peut-il qu’un organisme en manque de NUTRIMENTS entretienne la faim pour forcer à combler ce manque VITAL ? Dans cette hypothèse, la personne engraisse, car elle est affamée chroniquement… si elle persiste dans la malbouffe qui va la gaver de calories SANS satisfaire le besoin nutritif qui cause la faim.

    2 / Se peut-il qu’une personne stoque trop facilement ses glucides en graisse (par exemple à cause d’un excès d’insuline) et ne puisse que difficilement puiser dans sa graisse pour ses besoins énergétiques ? Cette personne a alors toujours faim, car les calories qu’elle mange sont insuffisantes pour satisfaire ses besoins énergétiques : elles sont stockées et plus accessibles.

    On a deux cas, ici, où ce n’est pas le manque de volonté qui fonde l’outremangeur (joli terme, en passant)… il y a un réel BESOIN de manger plus. Cela ne nous dit pas que la volonté n’a aucun rôle, ni comment on en est arrivé là, mais ça devrait donner à réfléchir. En particulier, il me semble clair que tout changement d’alimentation va demander de la volonté… et ne sera donc JAMAIS fructueux s’il ne conduit pas à une normalisation de la situation métabolique/comportementale qui permette de poursuivre A VIE sans plus demander une volonté de Yogi.

    En tout cas, ces deux exemples illustrent deux nécessités : il faut manger des aliments nutritifs (indépendamment des calories), et promouvoir la souplesse métabolique.

    1. J’approuve sur tout 😉

      Cependant, il faut un peu de volonté pour mincir, ne serait-ce que pour changer durablement la qualité de la nourriture, on n’est toutefois jamais à l’abri d’une rechute vers la junk food (social junk food ?), par exemple.. S’il faut énormément de volonté pour compter les calories et tenir la faim…c’est que la méthode est erronée…à mon humble avis.

      Aujourd’hui c’était le versant Eat less…demain j’aborde Move More ! Tiens je vais renommer l’article…

      1. Cool 🙂

        En passant, le dernier article de Peter est très intéressant, comme d’habitude. Le précédent aussi. Et celui d’avant, et…

        Le lien (c’est de la langue des coins, pour les non connaiseurs) :
        http://high-fat-nutrition.blogspot.com/2012/01/firko-mice.html
        Je le mets car c’est en rapport avec le sujet, même si ça risque d’être un chouïa complexe à décrypter pour les non initié(e)s.

        Ce gars a un sens de l’humour que j’adore. Je ne peux m’empêcher de me bidonner lorsqu’il explique que « un légume c’est ce que mange la nourriture ». Ouaaarf ! Je dois être très comestible, vu que je mange beaucoup de légumes.

      2. En note d’humour j’ai bien apprécié le dernier article de Minger : une corrélation n’est pas une cause, une corrélation n’est pas une cause, une corrélation n’est pas un concombre, what ???
        Juste en passant, je crois qu’avec l’âge, la restriction calorique simple sans changer ses habitudes marchent de moins en moins…je crois les *vieux* plus sceptiques face à un simple « suffit de manger moins ! », mais peut-être que je me trompe.

      3. Parfois, mûrir rend plus sage. Parfois.

        Tiens, ce soir justement j’étais assez CRON. C’est le plus gros de mes deux repas journaliers (quantités à la louche) : 25g de beurre, 40g de Gouda, 25g de Roquefort, 95g de maquereau, 300g de haricots verts & poireaux, 300g d’endives, une mandarine. Plein de gras et de nutriments… un pur délice qui cale son homme, pour la modique somme de 800 calories.

        En passant c’est de ta faute si j’ai mangé du Gouda. En général je suis plus Camembert au lait cru, ou Comté. Ils donnent tous les deux de la MK4 en plus de la MK7, si on va sur le côté technique, mais j’avais dans l’idée que c’était tout simplement meilleur. Après t’avoir lu, j’ai voulu redonner une chance au Gouda. Bon, ça se mange, mais ça ne restera pas dans les annales ! Tant pis si on ignore la quantité de K2 dans le Beaufort, mon chauvinisme Savoyard m’y ramènera toujours, et je suis certain qu’il en a bien assez 😉

  2. Oui, la prise de poids, l’obésité et l’envie de ne plus bouger qui en résulte sont des symptômes de dysfonctionnement de l’organisme, le signe d’ une maladie donc. Et cette maladie est le résultat de la nature inappropriée de ce que l’on mange et de comment on vit. La quantité excessive mangée ( ou parfois insuffisante cf l’anorexie) n’est qu’une conséquence de cela et on ne peut en effet pas sérieusement espérer « contrôler » cela par le mental en s’imposant « simplement » une restriction (un gavage) calorique tout en continuant à manger la même chose.

    Pour éventuellement « guérir » il est absolument clair qu’il faut donc changer la nature de ce l’on mange. La normalisation ou restriction calorique souhaitable ne peut être qu’un phénomène qui sur le long terme accompagne naturellement cette guérison autrement dit l’effort doit porter sur ce que l’on mange plutôt que les quantités. On n’a tout simplement pas envie de manger plus ou trop ou pas assez lorsqu’on est guéri.

    Pour ce qui est des « calories » il y a peu de doute que les lois de la thermodynamique ne sont certainement pas violées dans les êtres vivants mais croire comme le font un certain nombre de médecins un peu simplets qu’il suffit de s’en servir et « contrôler » les « calories » qui rentrent et qui sortent pour résoudre le problème de l’obésité relève de la naïveté la plus totale.

  3. Bonjour, Merci pour cette article qui apporte des explications à mon surpoids. Mon envie (besoin) de manger diminue lorsque je prends les compléments alimentaires. Dès que j’arrête, j’ai faim tout le temps, je mange et prends du poids tout en étant fatiguée. Il faut dire que mes journées sont chargées avec le boulot et deux petits garçons (et mon conjoint aussi).

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