Je feuillette régulièrement l’hebdomadaire La Voix du Midi, complément idéal à La Depêche du Midi pour savoir ce qui se fait en matière culturelle dans ma région, et plus précisément sur Toulouse. Je suis resté bloqué sur une interview (n°6931 du 2 au 8 août 2012) qui m’a choquée, celle de Christian Thorel, alias M. Ombres Blanches, du nom de la librairie qui a pignon sur rue à Toulouse.
Christian Thorel, livre et indépendant :
L’anti-Amazon, c’est lui. « Oubliez Amazon, préservez votre indépendance » est-il même affiché entre les rayons comme un doigt accusateur hugolien tourné vers le géant de l’Internet, accusé de concurrence déloyale[…] Nous avons intégré la pensée du « aller chercher le client là où il est ». Et la demande pour des librairies indépendantes est en centre-ville dans une culture urbaine et patrimoniale.

Bon, le monsieur a ses raisons : le métier est devenu difficile par les temps qui courent, exigeant tant sur la qualité du travail, que sur la quantité. La crise immobilière passe par là, et donc, les propriétaires demandent de plus en plus des loyers exhorbitants, au point de faire fermer une institution toulousaine, la librairie Castéla. C’est regrettable, le bâtiment reste inoccupé, et laissera sans doute la place à un type d’établissements plus modernes, comprendre une boutique de téléphonie, ou une parfumerie.
J’ai toujours été un flâneur, un amoureux des livres, et ce très tôt dans l’adolescence. Parcourir des kilométrages de rayons de bouquins, à la recherche de la moindre pépite imprimée, revenir sans cesse dans ces boîtes à trésor que sont (étaient ?) les librairies ont toujours été une sorte de passion, foi de bibliophile. C’était toujours une occasion de sortir en ville, même sans le sou, je finissais par trouver mon bonheur, à moindre coût. J’ai toujours eu une joie sincère à voir mes étagères gonfler avec l’âge, pas par désir d’accumulation, mais parce que je sais que cela a de la valeur, culturellement parlant, à défaut de valeur monétaire. Et peut-être traumatisé par les autodafés à la Fahrenheit 451.
J’ai connu Amazon au début des années 2000, 2001 sans doute. J’y ai vu là, très tôt, un puissant outil. L’ergonomie était efficace, le moteur de recherche idem, et le catalogue monstrueux. Il s’est encore enrichi, avec l’ajout de la marketplace, qui permet aux libraires indépendants, ou simples particuliers de vendre ou revendre les livres (ou autres objets culturels). Ce nouveau mastodonte né, j’ai partiellement changé mes habitudes. Je flâne toujours autant, et si le livre que je cherche ne se trouve dans aucune de mes boutiques habituelles, au pire, il y a Amazon.
Puis, est venu l’ebook. Pardon, le livre électronique. Fabriquant de liseuses électroniques (les divers Kindle), Amazon a investi le secteur. C’est peut-être à l’heure actuelle, l’acteur qui propose le plus de livres électroniques. Là encore, suite à l’acquisition d’une liseuse de Sony, puis d’un Kindle 4, mes habitudes ont changé : selon le type de livres, je privilégierais l’ebook, ou la version papier, ou les deux. Il m’arrive de lire de la littérature de gare : parfait, inutile de gaspiller du papier pour ça. Pour certains romans de la catégorie supérieure, l’usage du bon pavé se fait ressentir (est-ce psychologique, je n’en sais rien).
Où je veux en venir ? Pester contre Amazon est inutile. Je suis un amoureux du livre, et cela ne m’empêche pas de fréquenter les librairies en plus de me servir d’Amazon. Les usages ne s’excluent pas totalement, ils sont compatibles, au moins en grande partie. Un ebook qui m’a plu, s’est plusieurs fois transformé en livre acheté. Un livre de « ma liste à lire » présent en boutique, je ne l’achèterais pas par Amazon. Amazon me met au courant des sorties, quotidiennement, alors que je ne peux pas aller tout les jours, ni même toutes les semaines en boutique. Amazon, c’est aussi des libraires indépendants qui trouvent un revenu d’appoint grâce à la marketplace, même si Amazon se sert au passage, c’est un fabuleux service, une idée de génie, avec le recul. Le moteur de recherche est excellent, j’ai ainsi appris qu’il existe une critique française et assez ancienne de l’œuvre de Weston A. Price . Bon…indisponible. Qu’à cela ne tienne, j’ai le numéro ASIN, et je le trouverais un jour peut-être aux détours d’une librairie ancienne. Et je n’aborde même pas la littérature mondiale, enfin accessible facilement, et là…oh zut, c’est vraiment le pied, pour qui sait lire en anglais, d’autant qu’aux US, par exemple, pas de prix du livre unique, les prix sont très attrayants, y compris en ebooks, alors que la France est assez à la traîne, proposant encore des prix d’escrocs, pour des ebooks imparfaits (faute absentes de la version papier, mise en page à la peine).
Tout ça pour dire, que dans l’absolu, ce n’est pas l’intermédiaire qu’il faut chérir, et pourtant je suis sentimental, ça a une certaine valeur, mais, l’important c’est l’objet culturel, et la connaissance qu’il transporte avec lui, le livre. Des mauvais libraires – ceux qui ne savent pas conseiller convenablement les clients – peuvent disparaître, Amazon fait la même chose en mieux. Ne restera que ceux qui ont un vrai savoir-faire, contenteront les clients, apporteront de la valeur ajoutée (séances dédicaces de l’auteur par exemple), et même un peu d’humain, parce qu’avouons-le, Amazon manque de chaleur, quand bien même il remplit à merveille les fonctions auquel il est destiné.

Il n’empêche que le point de vue de M. Thorel me semble bien caricatural, binaire, celui de la vieille garde. Autant je comprendrais un certain garde-fou contre une utilisation hégémonique de Amazon, autant il convient de pondérer son avis. Les usages sont complémentaires. Je n’ai jamais acheté autant de bouquins que depuis qu’Amazon existe. Acheter sur Amazon m’incite aussi à aller voir en ville. C’est un catalyseur de culture, selon ma humble expérience. Si vous n’avez pas soif de culture, Amazon ne vous apportera rien, bien évidemment. Mais les libraires traditionnels non plus. Ombres Blanches n’est pas fermé à internet, loin de là. Je songe même à commander chez eux tant que possible, cela favorise le maintien d’une activité sur le centre de Toulouse. Mais à l’heure où des comparateurs de prix existent, est-ce bien raisonnable de surpayer un livre pour permettre à un libraire de gagner sa croûte ? De temps en temps, oui, tout le temps serait utopique. Par contre, inutile d’essayer de me croiser dans la librairie physique : trop de couloirs, c’est labyrinthesque au possible, et cela m’évoque plus la maison des fous (Astérix, les 12 travaux) ou Brazil, qu’une librairie humaine. Dommage.
J’invite M. Thorel à repenser son argumentaire anti-Amazon, en tant que lecteur averti, ni vraiment décérébré ni vraiment acculturé, j’ai souvent trouvé mon compte avec le géant américain. Je pense que s’il n’avait pas été là, j’aurais acheté moins d’ouvrages. Et peut-être pas plus en librairie physique. Ce n’est pas parce qu’Amazon gagne, que les librairies physiques y perdent automatiquement…par contre, il faudrait peut-être redonner le goût de la lecture, c’est un boulot davantage en amont.
J achete tous mes livres sur Amazon et je lis les livres en bibliotheque mais dans maregion pas de librairies qui me plaisent. Il faut dire que les livres de nutrition en anglais n e courrent pas dans les librairies. Je ne lis pas beaucoup sur ipad, plutot sur papier. Une fois lu, je revends le livre sur amazon justement! Donc j adore Amazon.
Les liseuses comme le kindle (ou PRS-T1 de Sony) à encre électronique sont beaucoup plus agréables à la lecture que les tablettes façon Ipad 🙂
Ca fait toujours un achat de plus…je reconnais que ça peut faire beaucoup à la longue.
Très bon article. Et oui, plus important que le contenant, le contenu! Débat intéressant sur France-Inter avec plusieurs spécialistes du livre qui pronostiquaient le décollage du livre numérique d’ici 3 à 4 ans. Mais c’est vrai qu’avec un prix plus cher en numérique que la version de poche, les éditeurs freinent un mouvement plutôt inexorable. Et je ne ressens aucune difficulté de lecture sur ma tablette (question de point de vue). Avec un éclairage a minima, c’est même très agréable.