Voilà quelques temps je cherchais des bouquins sur l’intelligence en dehors de l’humanité. Mes premières recherches m’ont amené à lire l’excellent Jeremy Narby dans L’intelligence dans la nature : En quête du savoir. Une lecture fascinante qui amène cet anthropologue à la réputation souffreteuse à côtoyer des sociétés amérindiennes (son anecdote avec la boisson hallucinogène ayahuasca est « célèbre »), des scientifiques du monde entier, y compris de France. Sa démarche est plutôt honnête, et à travers une série d’exemples, évite l’écueil habituel de l’anthropomorphisme. Nous n’avons pas inventé le calcul rationnel, ni même la capacité à faire de l’abstraction. Oui nous sommes des êtres hautement technologiques, mais d’autres espèces animales et végétales font preuve d’autant d’intelligence que nous, ou plutôt à minima, font preuve d’une intelligence que nous croyions réservée à l’homme.
Narby cite abondamment l’étude de Anthony Trewavas qui s’interroge sur l’intelligence végétale. Ou plus récemment, et ô joie disponible, sur la notion de mémoire chez les végétaux. Si l’on veut poursuivre le sujet, de manière synthétique, je n’ai pas trouvé mieux et récent que Stephen Harrod Buhner, son Plant Intelligence and the Imaginal Realm: Beyond the Doors of Perception into the Dreaming of Earth. Si l’anglais vous rebute, une session de rattrapage est disponible grâce au Langages secrets de la nature de Jean-Marie Pelt.
Je ne suis pas très familier avec tous les exemples cités dans ces ouvrages. Sauf bien sûr avec l’aspect chimique, les composants que l’on retrouve dans nos assiettes. La défense des végétaux, s’ils produisent antioxydants à gogo, phytates, salicylates, polyphénols, saponines – pas tous cités, certes, et sans y consacrer énormément de lignes – et j’en passe, tout comme certains poisons plus violents, ça n’est pas par plaisir d’épater la galerie, mais bien de décourager les agresseurs, et de maximiser les chances de survie et de dispersion des gênes, faute de pouvoir se déplacer (encore que…).
On retiendra essentiellement que la vision végétative et passive des plantes est complètement dépassée (le bouquin de Jean-Marie Pelt date de 1996 tout de même). Sous une écriture de poète, Jean-Marie Pelt change notre perception de la vie végétale. Les plantes interagissent avec leur environnement, et leur apparente immobilité n’est que le reflet de notre méconnaissance. Même en 2013, on a appris par exemple l’existence de réseaux de communication via les champignons – qui ne font pas partie du règne végétal, eux – et que certains arbres faisaient office de hub central via les réseaux mycorhiziens. Utile par exemple pour prévenir des attaques des ravageurs, car elles ont bien sûr, elles ressentent bien des choses dès lors qu’elles sont attaquées par exemple par des insectes. Sans être darwinien, les végétaux ont évolué, et si le règne végétal est distinct du règne animal depuis un bail (1,6 milliards d’années !), il n’y a pas de sens à décréter que l’un est supérieur à l’autre (sauf si vous préférez votre sœur à votre cousine…, oups je divague). Alors, le cri de la carotte, l’argument des idiots omnivores ? Selon Jean-Marie Pelt à propos des expérimentations de Cleve Backster :
Source – Jean-Marie Pelt : les langages secrets de la nature
Mmh, si l’omnivore moyen acculturé, à la sensibilité inexistante, bête comme ses pieds et qui se repait de saucisses arrosées d’une piquette de rouge ne sait que dalle sur ces recherches et expérimentations, il ne sait donc pas qu’il met le doigt sur un argument bien trop souvent raillé. Pourtant, cette aspect de la biologie – étude du vivant – est passionnant. Les chamanes, fins connaisseurs de leur environnement naturel leur attribuent une âme, au même titre que les animaux. Je n’y ai pas trouvé d’argument ultime pour mettre au même niveau les sentiences animales et les sentiences végétales : toutes les plantes ne sauraient être égales, si l’on reconnait instinctivement une certaine sagesse aux arbres – surtout les arbres centenaires – on méprise aussi un peu l’herbe commune que l’on foule. De même que la douleur de l’insecte n’atteint probablement pas celle du mammifère. Instinctivement, nous faisons tous ce type de classement, peut-être erroné d’ailleurs. Pour la même raison, on a sous-estimé le degré d’intelligence et de sentience des végétaux.
Pas vraiment d’argument qui cloue le bec instantanément (désolé amis carnivores) en prouvant de manière irrévocable que nos douleurs sont les mêmes. Il n’a pas été prouvé que les végétaux souffraient autant que nous. Ils sont néanmoins autant porteur de vie (et d’âmes, selon les chamanes, libre à vous d’être croyants ou pas 🙂 ) que nous.
En revanche (désolé amis végétariens), le cri de la carotte n’est peut-être pas tant une idiotie que ça, même si le beauf qui l’a invoqué devant vous était bel et bien stupide, comme quoi il faut bien distinguer le message du messager. Il y a toutefois un faisceau d’indices très convergents qui indique que la vie chez les végétaux n’est pas un vain mot. Peut-être est-il bon d’arrêter de railler le concept, et plutôt sage de trouver les bons arguments : « ils sont pas pareils que nous » ne saurait être suffisant, en plus d’être un argument très glissant – le premier qui cite le mot continuum a perdu -…objectivement, la science de l’intelligence des plantes continue à avancer et est très surprenante, je ne mettrais pas ma main à couper là-dessus, des découvertes remettent en cause nos conceptions jour après jour, autant rester ouvert d’esprit.
Pour le reste…fay ce que vouldra, en tout âme et conscience bien entendu, c’est non négociable.En tout cas, Idéfix n’aime pas qu’on s’attaque aux arbres.
Très bon article.
Personnellement, je suis convaincue que les végétaux ont des sensations, qu’ils interagissent avec leur environnement. Tu donnes sur ce sujet de très bons exemples dans ton article.
J’ai lu un jour que les plantes qui sont bourrées d’anti-oxydants, vitamines, etc. sont aussi dotées de substances plus « empoisonnées », de façon à faire en sorte qu’un prédateur n’engloutissent pas un buisson entier. C’est pourquoi la vache avance en broutant. C’est pourquoi il est recommandé de varier les smoothies verts.
J’ai arrêté de consommer de la viande parce que je me sens très proche des animaux que nous exploitons et abattons en masse. Nous mangeons notamment beaucoup de mammifères alors qu’ils sont vraiment très proches de nous physiquement. Je conçois qu’il n’est pas impossible que la carotte hurle lorsque je la croque. Mais je trouve encore plus insoutenable d’élever un animal dans le but de le tuer et pour ce faire, de lui donner des végétaux que des humains auraient pu manger directement. Pour moi, manger de la viande est un double crime. Dans son livre Green for life, Victoria Boutenko souligne d’ailleurs que nous mangeons essentiellement des herbivores et pas de carnivores. Bizarrement, l’occidental a exterminé les loups et renards mais il ne les a pas mangés….
Je rajoute : les plantes, les animaux et nous faisons partie du même tout. A nous de préserver au mieux son harmonie…