ALIMENTATION ET SANTÉ Étude analytique et critique de l’œuvre de Weston A. PRICE.

Faculté de Médecine de Paris

Année 1955
THÈSE pour le DOCTORAT EN MÉDECINE
(Diplôme d’État)
par Francis MACKAY

Ancien Interne des Hospices Civils de Troyes
Ancien Interne des Sanatoria de Forêt Noire
Né le 21 Octobre 1913 à Glasgow.
Présentée et soutenue publiquement le 30 juin 1955

ALIMENTATION ET SANTÉ
Étude analytique et critique de l’œuvre
de Weston A. PRICE.

Version originale de la thèse et circonstances de sa découverte icimackayAinsi que quelques réflexions supplémentaires suite à la publication de cette version.


INTRODUCTION

L’influence de la civilisation sur la pathologie humaine est une question sujette à controverses et sur laquelle les auteurs sont loin d’être d’accord. Certains prétendent en effet que les peuples primitifs, sans contact avec le monde moderne, ont garde d’une manière générale une vigueur physique et une santé remarquables, alors que chez les civilisés on voit s’accroitre progressivement dégénérescence et maladie. D’autres soutiennent au contraire que cette différence n’est qu’apparente et que la morbidité supérieure des peuples les plus évolués résulte de causes diverses telles que le perfectionnement des méthodes de diagnostic, la multiplication des médecins et l’augmentation de la longévité.

Les études faites a ce sujet sont nombreuses mais souvent difficiles a interpréter, soit qu’elles portent sur des peuplades trop différentes du point de vue démographique, soit qu’elles n’aient pas été réalisées dans les mêmes conditions ni par les mêmes auteurs. Ainsi dans l’étude historique d’un peuple, il est difficile de comparer les documents recueillis avant l’arrivée de l’homme blanc, récits de navigateurs ou d’explorateurs, avec les enquêtes ethnographiques et médicales modernes.

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La stomatologiste américain Weston A. PRICE intervient dans ce débat d’une manière révolutionnaire. Étudiant différentes peuplades indigènes, cet auteur examine pour chacune d’elles doux groupes de la même race et de la même région, l’un à l’abri l’autre au contact de la civilisation. Grâce à cette méthode remarquable, Price élimine les facteurs ethniques et géographiques et évite d’autre part les inconvénients de l’étude historique.

Dans la préface de l’une des œuvres de Weston Price, l’anthropologiste Earnest A. HOOTON déclare que cet auteur « a accompli un travail de recherche faisant époque » et qu’il a « écrit un livre plein d’enseignements ». Or malgré la notoriété de Price, dont le nom est cité dans de nombreuses publications anglo-saxonnes et même dans quelques ouvrages français (Missenart  -(23)-), il n’existe pas à notre connaissance de traduction au détail de son œuvre en langue française. Nous avons pensé qu’il serait utile de combler cette lacune. C’est le but que nous nous proposons dans ce travail, dans lequel nous envisagerons successivement les chapitres suivants :

1/ Premiers Travaux
2/ Expéditions Scientifiques
3/ Déductions et Hypothèses
4/ Expérimentation Biologique
5/ Étude Critique
6/ Conclusions

L’étude de l’œuvre de Price nous a paru digne d’intérêt non seulement en raison de l’importance de ses conclusions scientifiques mais également parce qu’elle constitue une véritable aventure dans la recherche.

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PREMIERS TRAVAUX

Les premières recherches de Price sont consacrées à des travaux de stomatologie. Il s’intéresse en particulier à l’étiologie des caries dentaires et étudie chez l’animal divers problèmes de nutrition tels que le métabolisme du calcium et du phosphore, ainsi que le rôle des vitamines dans la calcification et la formation des dents. Les compte-rendus de ces travaux sont l’objet de nombreux articles (voir bibliographie). En outre l’auteur publie en 1923 un livre en deux volumes intitulé « Dental Infections » dans lequel il étudie les infections dentaires en général et leurs rapports possibles avec les lésions dégénératives.

Au cours de ces recherches Price met peu à peu au point une théorie de la dégénérescence qui va non seulement modifier ses premières conceptions mais aussi changer sa vie et l’emmener à la découverte à travers le monde :  » Après avoir passé, dit-il, plusieurs années à étudier ce problème (celui de la dégénérescence moderne) par des méthodes cliniques et biologiques, j’ai amené à penser que les faits accumulés indiquaient l’absence, dans notre mode de vie moderne , de certains facteurs essentiels, plutôt que la présence de facteurs nocifs……Cette idée m’amena à élargir le champs de mes recherches en y ajoutant (l’étude) de cas témoins exempts de processus dégénératifs. Ne pouvant trouver ces « témoins » dans le matériel clinique offert par notre civilisation moderne je décidai de les trouver auprès de souches raciales primitives isolées (isolated primitive racial stocks) ».

C’est ainsi que de 1931 à 1937 Price entreprend de véritables expéditions scientifiques pour y étudier des îlots humains, isolés du monde moderne. Il en trouve en grand nombre en différents points du globe et même on Europe et publie, au retour de ses voyages , une série de rapports préliminaires qui sont reproduits dans plusieurs articles médicaux. En 1939, il rassemble ces rapports en les détaillant dans un livre intitulé « NUTRITION AND PHYSICAL DEGENERATION, A Comparison of primitive and modern diets and their effects » (titre dont nous proposons la traduction suivante : Alimentation et Dégénérescence Physique, Étude comparative des régimes alimentaires primitifs et modernes et de leurs effets).

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Cet ouvrage volumineux (545 pages, 6 cartes, et 154 illustrations) comprend non seulement le récit des voyages de l’auteur et le résultat de ses observations en pays lointains, mais rapporte également les principaux travaux effectués dans d’autres domaines. Il constitue ainsi un véritable testament scientifique de Weston A. Price.

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LES EXPÉDITIONS SCIENTIFIQUES

Les expéditions de Price, presque toujours longues et difficiles, l’entrainent au nord jusqu’au cercle polaire et au sud, bien au delà du tropique du Capricorne, tandis qu’en longitude, elles lui font parcourir les deux tiers du globe.

A/ MÉTHODES

Dans chaque région explorée les méthodes d’observation sont les mêmes. Price cherche à opposer deux groupes d’individus bien distincts :

des sujets « isolés », sans contact avec la civilisation et qui, par suite, ont conservé leur mode de vie ancestrale et produisent sur place tout ce qui est nécessaire à leur subsistance.

des sujets « modernisés » qui, par suite de circonstances diverses, sont entrés en contact avec la civilisation et ont, de ce fait, adopté plus ou moins le mode de vie de l’homme civilisé.

En dehors de cette différence fondamentale, « isolés » et « modernisés » sont choisis aussi semblables que possibles : ils appartiennent toujours au même groupe ethnique et vivent dans les mêmes conditions géographiques et climatiques.

Chaque groupe étudié est envisagé sous deux aspects : l’aspect médical, l’aspect ethnographique et social.

L’enquête médicale porte sur des adultes et des enfants et comprend :

  1. Un examen morphologique avec mensurations
  2. Un examen dentaire et maxillo-facial avec en particulier un repérage soigneux des caries et le prélèvement d’échantillons de salive
  3. Une enquête sur l’état sanitaire qui cherche à préciser notamment : la fréquence de certaines maladies, le degré se sensibilité ou d’immunité des sujets, les critères de robustesse et de résistance à l’effort.
  4.  De nombreux documents photographiques des sujets examinés

L’enquête ethnographique et sociale comporte :

  1. Un rappel des principales conditions géographiques
  2. Quelques détails sur l’habitation et l’habillement
  3. Une rapide étude des mœurs et des ressources (pêche, chasse, culture, élevage).
  4. L’étude détaillée du régime alimentaire avec prélèvements d’échantillons des aliments principaux
  5. L’appréciation des qualités morales et sociales

Dans toutes ces études, Price tient compte non seulement de ses constatations personnelles, mais également des renseignements qu’il a pu recueillir auprès des autorités locales et des médecins du pays. En outre chaque fois que l’occasion s’en est présentée, l’auteur a examiné les métis et les blancs habitants les mêmes localités que les sujets examinés, ainsi que les collections d’ossements des ossuaires et musées de la région.

B/ GROUPES ETHNIQUES OBSERVÉS.

Pour augmenter la valeur de ses groupes « témoins », Price s’est efforcé de les trouver chez des peuples d’origine ethnique aussi variée que possible : Esquimaux, Indiens, Mélanésiens, Polynésiens, Australiens, Africains et même Européens. Nous allons essayer de donner un très bref aperçu de chacun des groupes étudiés.

1) Suisses.

Price se rend en Suisse a deux reprises, en 1931 et 1932 et trouve des Suisses « isolés » dans le Valais ou il visite plusieurs hautes vallées difficiles d’accès et coupées du monde, a l’époque, par le manque de moyens de communications (vallée de Lœtschental, villages de Graschen, Visperminen et Ayer).

Les robustes montagnards de ces régions se livrent a la culture, à l’élevage, a l’industrie laitière et au tissage de la laine, produisant ainsi sur place presque tout ce qui est nécessaire a leur existence. L’alimentation se compose essentiellement de pain de seigle entier et de produits laitiers. Le mode de vie est resté très archaïque (labourage à la main, battage au fléau, moulins a roues et a meules de pierre).

Price leur oppose les habitants de trois localités a modernisation croissante : Vissoie, Saint Moritz et Hérisau.

Vissoie est située dans une haute vallée voisine d’Ayer, mais est reliée au monde civilisé par une route depuis plusieurs années.

Saint Moritz, également en haute montagne, est une station touristique largement modernisée.

Hérisau, ville moderne de la plaine suisse, fut choisie par Price pour éliminer l’influence possible du climat alpestre.

2) Celtes des Hébrides.

Les Iles Hébrides sont situées sur la cote nord-ouest de l’Écosse. Price s’y rend vraisemblablement en 1932 et en visite trois : Lewis, Harris et Skye. Les habitants sont avant tout marins et pêcheurs et ceux des ports comme Storneway et Tarbert sont fortement « modernisés ». Au contraire, dans certaines régions difficiles d’accès, Price trouve des familles presque retranchées du monde, vivant dans des maisons enfumées et couvertes de chaume. Ces Celtes « isolés » cultivent l’avoine et élèvent quelques moutons dont ils tissent la laine. Flocons d’avoine et produits de la mer sont leurs aliments de base.

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3) Esquimaux d’Alaska.

En 1933, Price part a la recherche d’Esquimaux isolés en Alaska. Sur les conseils d’Aleš Hrdlička il explore la région comprise entre le Yukon et la Baie de Bristol et, en raison de la dissémination extrême des Esquimaux, il étudie une vingtaine de petites communautés. Les unes ont gardé le mode de vie primitif, se livrant à la chasse et à la pêche et se nourrissant surtout d’animaux marins et de poissons. Les autres sont entrés en contact avec les postes gouvernementaux établis par les américains et ont adopté plus ou moins les commodités des blancs et leurs produits alimentaires. L’auteur rappelle le mode de vie bien connu des Esquimaux : leurs curieuses habitations, leurs vêtements de fourrure pratiques, leurs instruments perfectionnés de chasse et de pêche.

4) Indiens nord-américains.

C’est en 1933 également que Price étudie les Indiens d’Alaska et du Canada. Certains groupes sont restés primitifs, vivant de chasse, se nourrissant de gibier et de poisson de rivière. D’autres se sont fixés dans le voisinage des postes de la « Hudson Bay Company » et sont plus ou moins modernisés selon la fréquence et l’ancienneté de leurs contacts avec ces postes.

L’auteur visite en outre plusieurs « réserves » indiennes, des écoles, des hôpitaux et en particulier deux Instituts pour filles et garçons comprenant des Indiens et des Esquimaux, les uns de race pure, les autres résultant du croisement avec l’homme blanc.

Au Musée de Vancouver, il examine des collections de squelettes indiens d’ancienneté variable.

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Enfin il étudie plusieurs groupes d’Indiens Séminoles en Floride. Farouchement retranchés dans les marécages de Cypress et les forêts d’Everglades, ces indigènes ont conservé un mode de vie très primitif et évitant avec méfiance le contact avec l’homme blanc. Price les compare à d’autres groupes de la région de Miami et d’Albuquerque, qui sont au contraire fortement modernisés.

5) Indiens du Pérou.

Le voyage de Price en Amérique du sud parait avoir eu lieu en 1937. L’auteur étudie plusieurs régions du Pérou et de la Bolivie.

Sur la côte nord du Pérou, il trouve des groupes de pêcheurs isolés, descendants probables des anciens Chimus et tirant en grande partie leur subsistance des produits de la mer.

Près du Lac Titicaca, il examine des Indiens Aymara et, dans les sierras des Andes, près do Cuzco, des Indiens Quichuas, descendants des Incas. Éleveurs de lamas et d’alpacas, chasseurs de vigognes, ces indigènes isolés se nourrissent surtout d’animaux et végétaux.

En revanche, dans les villes de Huaras et Chiclayo, Price peut étudier des groupes modernisés : adultes et enfants des écoles, de race pure ou métis.

Enfin à Perene, dans le bassin de l’Amazone, il examine deux tribus du même groupe ethnique. La première a gardé un mode de vie primitif, s’abritant sous des huttes en feuilles de bananiers et se nourrissant de gibier, poissons de rivière, plantes et fruits. La seconde a été modernisée par les soins d’une mission.

6) Tribus Africaines.

En 1935, Price se rend en Afrique et entre on contact avec 27 tribus des territoires suivants : Kenya, Ouganda, Congo Belge, Soudan et même Égypte.

La plupart de ces tribus étaient isolées et souvent très primitives. On peut les classer en trois catégories principales :

  • Éleveurs, se nourrissant de lait, viande et sang
  • Agriculteurs, se nourrissant de céréales, plantes et fruits.
  • Chasseurs se nourrissant de gibier et parfois de poisson d’eau douce.

Le mode d’habillement et d’habitation est en général rudimentaire.

A ces tribus primitives Price oppose des 5 africains modernisés qu’il trouve en particulier dans plusieurs écoles missionnaires du Kenya. Il visite également deux écoles arabes a Omdourman et Khartoum et une école égyptienne du Caire.

A noter une étude parue sur PlosOne en 2017 focalisant sur la santé dentaire des Hadza que n’avait pas étudiés Price. Oral health in transition: The Hadza foragers of Tanzania.

7) Mélanésiens et Polynésiens.

Plusieurs îles d’Océanie, peuplées surtout de Mélanésiens et Polynésiens, sont explorées en 1934 et 1936, notamment : les Iles Fidji, la Nouvelle-Calédonie, Tahiti, Raratonga, Tongatabu et certaines des Iles Marquises, Samoa et Hawaï.

En raison de la colonisation, rares sont les insulaires qui n’ont pas adopté en partie les coutumes des Blancs, ne serait-ce que l’habillement, particulièrement incommode dans ce climat chaud et pluvieux.

Néanmoins Price trouve encore dans certaines régions isolées, des familles vivant à l’ancienne mode, presque nus, s’enduisant le corps d’huile de noix de coco et ayant gardé l’alimentation ancestrale, en général mixte et variée : animaux, produits de la mer et végétaux.

Au contraire les habitants des ports ont adopté la plupart des coutumes européennes, en particulier l’alimentation importée.

L’auteur examine également, dans certaines de ces îles, plusieurs groupes de métis résultant du croisement de Mélanésiens ou de Polynésiens avec des Européens, des Chinois, des japonais, des Indous ou des Malais.

8) Australiens.

L’autour désirait tout spécialement étudier les Australiens qui appartiennent à une race très curieuse, probablement une des plus anciennes du globe, d’ailleurs en voie d’extinction.

Il peut réaliser ce vœu en 1936. Les primitifs Australiens sont des chasseurs et pêcheurs d’une adresse étonnante. Ceux de l’intérieur se nourrissent d ‘animaux et végétaux. Ceux de la côte de végétaux et produits de la mer.

Quelques groupes isolés sont rencontrés sur la côte est, mais la plupart des indigènes sont modernisés. Price étudie, entre autres, plusieurs « réserves » et missions qui ont adopté la vie civilisée depuis un temps plus ou moins long, ce qui lui permet de comparer dans certains cas les enfants élevés à la moderne avec leurs parents élevés selon la mode ancestrale.

9) Indigènes du Détroit de Torrès.

L’intérêt des îles du Detroit de Torrès est double : d’abord ces îles sont au point de rencontre de plusieurs races et forment une population très mélangée (Papous, Néo-Guinéens, Arakuns, Kendals, Yonkas). Ensuite elles sont entrées en contact avec (Note de Clair et Lipide : passages non lisibles, un peu interprétés) le monde civilisé…ques différentes. Elles…de la modernisation.

Price visite six de ces îles en 1936 et examine des groupes isolés et des groupes plus ou moins modernisés. Il compare en particulier deux écoles de l’Ile de Thursday, l’une pour enfants blancs, l’autre pour enfants indigènes.

Les habitants de ces îles sont des navigateurs intrépides et des pêcheurs habiles. L’alimentation locale est à base de produits de la mer et végétaux .

10) Maoris de Nouvelle-Zélande.

En Nouvelle-Zélande Price visite 25 localités, la plupart plus ou moins modernisées et examine des enfants des écoles, des malades de sanatoria et une école d’enfants blancs

Dans la Péninsule de Mahia, il trouve des groupes isolés vivant de pêche et se nourrissant de produits de la mer et de végétaux.

Il étudie enfin les crânes Maoris de l’époque pré-colombienne du Musée d’Auckland.

C/ RÉSULTATS CLINIQUES

Price s’aperçoit très rapidement qu’il y a entre les sujets isolés et sujets modernisés des différences énormes que l’on retrouve en tous les points du globe : « L’examen critique de ces groupes, dit-il, montrent qu’ils possèdent une forte immunité vis à vis d’un grand nombre do nos affections tant qu’ils sont suffisamment isolés de notre civilisation moderne et qu’ils vivent selon les coutumes par l’expérience ancestrale (accumulated wisdom) de la tribu. Au contraire chaque fois que des individus de la même souche raciale ont perdu cet isolement et adopté les habitudes de notre civilisation il y a perte rapide des caractères d’immunité du groupe isolés ».

Cette différence fondamentale entre isolés et modernisés se retrouve partout malgré les variations de race, de latitude, d’altitude, de température et de climat.

a) Isolés

Dans tous les groupes isolés, a quelque souche raciale qu’ils appartiennent, Price constate chez la très grande majorité des sujets les caractéristiques suivantes :

1) Un aspect de robustesse remarquable allant de pair avec un développement physique harmonieux.

2) La rareté des malformations et des signes de dégénérescence, en particulier :

– rareté des malformations osseuses : 3 à 8% des sujets
– rareté des caries dentaires : en moyenne 1% de dents cariées (voir tableau suivant).

3) L’absence de complications obstétricales et la facilité de l’allaitement qui est en général abondant et de longue durée.

4) Une faible morbidité. Rareté en particulier de la tuberculose, des arthrites rhumatismales, des maladies cardiaques, des affections des organes internes et dans certains cas des tumeurs malignes.

5) Une forte vitalité avec résistance a l’effort et efficacité au travail.

6) Une valeur morale solide (rareté des caractères anti-sociaux et faible criminalité).

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b) Modernisés

Dans les groupes de même race au contact de la civilisation il est au contraire beaucoup fréquent de rencontrer :

1) Des individus chétifs et dysharmonieux.

2) Des signes de dégénérescence, en particulier :
des malformations osseuses (25 à 83%) comprenant : étroitesse du bassin thorax étriqué, malformations des pieds.
des caries dentaires (en moyenne 30%)
des anomalies maxillo-faciales

3) Dans certains cas une diminution de la fertilité ; des gestations ou accouchements difficiles des troubles de l’allaitement

4) Une morbidité plus forte, en particulier : tuberculose pulmonaire ou ganglionnaire, arthrites rhumatismales.

5) Une diminution de l’énergie et des valeurs morales avec parfois sentiment de découragement devant la vie.

Price insiste sur les anomalies maxillo-faciales qui sont spécialement fréquentes. Il cite entre autres :
– allongement et rétrécissement du visage
– hypotrophie du tiers inférieur avec retrait du maxillaire et
effacement du menton
– hypotrophie du tiers moyen avec retrait du maxillaire supérieur, enfoncement de la base du nez, hypo-développement des fosses nasales et pincement des narines entrainant la respiration buccale
– arcades étriquées, voûtes en ogive, forme et implantation vicieuse des dents.

Toutes ces anomalies sont groupées de façon variable d’un sujet à l’autre et peuvent (Note de Clair et Lipide : il doit manquer un verbe, sans doute « refléter » ou « marquer ») la perte du type racial, d’après Price, tout au moins on ce qui concerne les traits du visage.

c) Blancs.

Chez les Blancs examinés, la proportion de caries et malformations est identique ou supérieure à celle des indigènes modernisés et correspond, d’après Price, à la moyenne constatée aux États-Unis.

d/ Ossements.

L’examen des différentes collections d’ossements, montre la rareté des signes de dégénérescence (caries 0 à 1% ; malformations maxillo-faciales très rares ).


DÉDUCTIONS ET HYPOTHÈSES

On pourrait s’attendre à ce qu’une telle somme d’observations soit fertile en déductions et hypothèses. En réalité, de l’étude des documents se dégage d’emblée une constatation fondamentale : le rôle prépondérant de l’alimentation. Cette idée maîtresse va non seulement servir de base au raisonnement de l’auteur, mais orienter ses travaux ultérieurs.

A/ IMPORTANCE DU FACTEUR ALIMENTAIRE

Analysant minutieusement ses observations, Price découvre en effet qu’un seul facteur varie de façon constante  lorsqu’on passe d’un groupe isolé à son homologue racial modernisé : le facteur alimentaire et plus exactement, qu’il s’agit du remplacement de l’alimentation naturelle, locale, ancestrale par l’alimentation industrialisée de la civilisation. Ce fait est d’autant plus frappant que l’alimentation moderne, elle, ne change pas d’une région à l’autre étant la même, au détail près, dans tous les points du  globe étudiés (farine blanche, sucre raffiné, conserves, graisses végétales, riz poli, thé, café, chocolat).

Price retrouve partout cette différence essentielle entre isolés et modernisés et l’on pourrait en citer maints exemples. Parmi les cas les plus démonstratifs, celui de la Suisse est particulier (Note de Clair et Lipide : « particulièrement » ?) schématique. Dans les hautes vallées de ce pays, tous les facteurs du milieu environnant sont strictement identiques d’un groupe à l’autre, sauf la nourriture.. Ainsi à Vissoie et Ayer, deux villages que séparent quelques heures de marche, vêtement, habitations, élevages, cultures et coutumes sont exactement les mêmes. Mais tandis qu’à Ayer, village isolé, les habitants consomment sur place les produits locaux, à Vissoie, qui est relié par une route au monde extérieur, les paysans vendent leur seigle et leurs laitages de haute qualité et se nourrissent d’aliments modernes. Aussitôt les signes de dégénérescence apparaissent.

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L’important de ce facteur alimentaire peut être parfois mesuré de façon presque mathématique, comme l’auteur va nous le montrer. Les indiens et Esquimaux d’Alaska peuvent en réalité être subdivisés en trois groupes distincts. Certains vivent entièrement isolés et utilisent la nourriture indigène. D’autres vivent dans les environs immédiats des postes de la Compagnie de la Baie d’Hudson et adoptent la nourriture moderne. D’autres enfin sont dans la zone intermédiaire, font de fréquentes visites aux postes et ont, de ce fait, une alimentation mixte. Or les signes de dégénérescence augmentent progressivement de la zone isolée à la zone modernisée, comme le montrent en particulier les pourcentages de dents cariées :

  • Esquimaux –  isolés : 0,09% ; mixtes : 4 à 18 % ; modernes : 31%
  • Indiens – isolés 0,16 % ; mixtes : 14 à 17 % ; modernes : 21,5%

et le même fait se reproduit chez tous les peuples étudiés (voir tableau précédent).

Dans les îles du Détroit de Torrès des entrepôts gouvernementaux ont été construits à des dates différentes. Les divers groupes insulaires ont donc été soumis plus ou moins longtemps à l’action de l’alimentation moderne et Price constate que les signes de dégénérescence sont proportionnels à l’ancienneté des entrepôts. Les pourcentages de caries dentaires sont frappant à cet égard :

Île Murray (isolée) : 0,7%
ÎIe Darnley (dépôt récent) : 5,7%
Île d’York ( dépôt depuis plusieurs années) : 12,6%
Île Badu (dépôt depuis 23 ans) : 20,6%

Le régime alimentaire parait même expliquer certaines différences constatées parmi les isolés eux-mêmes. Price cite ainsi le cas, unique il est vrai, de trois tribus africaines : les Masaï, les Kikuyu et les Wakamba, qui, bien que nettement supérieur aux groupes modernisés n’ont pas toutes les trois la même perfection physique :

  • Masaï : Grands et forts, les Masaï sont éleveurs de vaches et de chèvres. Ils se nourrissent de viande, de laitages et de sang ainsi que d’une quantité limitée de plantes et de fruits. Chasseurs de lions intrépides, ils sont réputés pour leur énergie et leur courage.
  • Kikuyu et Wakamba : Les Kikuyu et les Wakamba sont moins grands et moins robustes. Agriculteurs, ils se nourrissent exclusivement de céréales et végétaux divers et sont de tempérament moins énergique.

Les différences physique des ces trois groupes sont reflétées d’une manière particulièrement schématique,  par la fréquence des caries et des anomalies maxillo-faciales :

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Or ces trois tribus vivent côte à côte dans la même région. Un seul facteur les distinguent : l’alimentation.

Il est d’ailleurs curieux de constater que bien souvent l’indigène lui-même est parfaitement conscient de l’importance du facteur alimentaire et connait la valeur nutritive de certains produits qu’il se procure a grand’ peine :

– les Esquimaux prélèvent la couche interne de la peau du narval.
– les Africains recherchent patiemment certains insectes.
– en Océanie, des échanges de plantes et de produits marins ont lieu périodiquement entre indigènes de la côte et de l’intérieur.
– de nombreuses tribus connaissent l’importance de régimes spéciaux pour les enfants, ainsi que pour les femmes enceintes ou qui allaitent.

Parmi les nombreux changements apportés par la civilisation, l’élément principal est donc, pour Price, la substitution du régime alimentaire moderne au régime primitif ancestral. C’est ce facteur alimentaire qui explique pour lui, toutes les différences physiques, mentales et même morales constatées entre les groupes isolés et modernisés.

B/ ALIMENTATION ET CARIES DENTAIRES

La recherche de l’étiologie des caries dentaires était l’un des buts des expéditions organisées par Price, mais elle devait rapidement passer au second plan. Néanmoins l’influence du régime alimentaire sur les caries est pour l’auteur indiscutable. Si l’on compare en effet les pourcentages de dents cariées chez les groupes isolés et modernisés de même souche ethnique, on voit que les chiffres des sujets modernisés
sont en moyenne 30 fois supérieurs et parfois bien davantage.

L’action du changement de régime est parfois d’une rapidité surprenante. Price cite à ce sujet deux cas particulièrement démonstratifs :

– Dans les hautes vallées suisses, il découvre a plusieurs reprises des montagnards présentant des traces de caries plus ou moins anciennes. L’interrogatoire précise que ces caries sont apparues lors d’un séjour d’un an ou deux a la ville, puis ont cessé lorsque le sujet a regagné sa vallée natale.

– Dans certaines îles du Pacifiques visitées par Price, l’alimentation moderne avait été introduite quelques années auparavant par les bateaux récoltant le coprah. Au bout de deux ans, le prix du coprah s’étant effondré, les bateaux cessèrent leurs passages et les indigènes reprirent leurs coutumes alimentaires ancestrales. Or l’auteur put constater chez de nombreux sujets les vestiges de poussées transitoires caries dentaires correspondants aux deux années d’alimentation moderne.

C/ ALIMENTATION ET ANOMALIES MAXILLO-FACIALES

D’après Price, la plupart des malformations, et en particulier les anomalies maxillo-faciales sont dues, elles aussi au régime alimentaire moderne.

En faveur de cette thèse il présente plusieurs arguments :

a) Parents et enfants.

Chez les isolés le pourcentage des anomalies faciales non seulement est très faible, mais il a sensiblement la même valeur chez les parents et les enfants. Au contraire chez les modernisés, les chiffres s’élèvent et par surcroit ils augmentent d’une génération à l’autre : les malformations sont souvent deux fois plus fréquentes chez les enfants que chez les parents. Prenons comme exemple le cas de plusieurs groupes australiens que l’on peut ranger en trois catégories. La première est représentée par un groupe isolé, où, par conséquent, parents et enfants sont soumis à l’alimentation ancestrale. La seconde, par deux groupes modernisés depuis quelques années seulement : c’est à dire que les parents ont été élevés à l’ancienne mode, les enfants avec les produits modernes. La troisième catégorie comprend deux groupes en contact avec la civilisation depuis plusieurs générations : donc parents comme enfants ont été élevés à la moderne. Le tableau ci-dessous résume le pourcentage des malformations maxillo-faciales dans chaque groupe :

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b) Frères et sœurs

L’apparition de ces anomalies est si rapide qu’elle survient fréquemment chez le premier enfant né après l’adoption par les parents du régime alimentaire civilisé. L’auteur cite a l’appui de cette affirmation de nombreuses familles de races différentes dans lesquelles ce phénomène s’est présenté (Celtes, Indiens, Australiens, Océaniens). Les ainés sont physiquement vigoureux et bien constitués avec des traits
bien proportionnés, des arcades régulières et des dents bien rangées. Au contraire les frères et sœurs plus jeunes, nés après l’adoption par les parents de l’alimentation moderne, accusent un certain nombre de malformations dont la plus fréquente est l’étroitesse des arcades, avec dents chevauchantes. Loin de s ‘atténuer, ces anomalies s’accentuent avec l’âge, en particulier entre 10 et 14 ans lors de l’éruption des dents permanentes .

Pour illustrer cet argument Price présente des documents photographiques concernant 12 familles et 6 groupes ethniques différents, ou la dégénérescence des plus jeunes peut être constatée même par des observateurs non avertis (1 famille celte, 2 familles d’Indiens Quichuas, 2 familles australiennes, 4 familles maoris, 3 familles des Iles de Torrès Strait).

D/ ALIMENTATION ET PERTE DU TYPE RACIAL

L’importance des déformations faciales est telle, dans la plupart des cas, qu’elle entraine, pour Price, une véritable perte du type racial : « Ces études des races primitives, dit-il, jettent une lumière nouvelle sur le problème de la perte du type racial dans le monde moderne. Alors qu’il était admis que des modifications importantes de la forme physique no pouvaient être obtenues que par l’action de forces agissant pendant un grand nombre de générations, ces études révèlent que des changements considérables peuvent se produire au cours d’une seule « génération nouvelle ».

Price montre en effet que chez les indigènes isolés la conservation parfaite du type racial se remarque chez au moins 90% des sujets alors que chez les modernisés la proportion tombe à 60% ou même 40%.

Pour concrétiser sa démonstration, Price présente de nombreux documents photographiques choisis parmi plusieurs milliers de clichés rapportés des expéditions. Dans chaque série l’auteur montra des sujets isolés et des sujets modernisés du même groupe ethnique (plus de 350 sujets en tout). L’observateur le moins averti ne peut qu’être frappé de la régularité et la similitude de traits des sujets de chaque groupe d’isolés.

racial

Commentant deux de ces documents Price dit: « La première illustration montre 4 garçons mélanésiens photographiés sur 4 îles différentes dont les souches raciale étaient isolées. Ils ne se sont jamais vus de leur vie et pourtant ils paraissent être frères. Leur air de famille est purement une ressemblance raciale. Ceci démontre que, grâce à un milieu adéquat, les caractéristiques ethniques se sont parfaitement reproduites dans ces différentes régions dont certaines pourtant sont séparées par quelques centaines de kilomètres. »…De même sur la deuxième figure nous voyons des jeunes filles Polynésiennes. Ici encore la ressemblance est telle qu’on les prendraient facilement pour des sœurs. Elles sont pourtant nées et ont vécu dans des îles distantes de plusieurs centaines de kilomètres. Mais dans ces groupes les procédés ancestraux concernant l’alimentation étaient les mêmes ».

Au contraire sur les clichés représentant les sujets modernisés des mêmes groupes ethniques, il facile de constater que cette homogénéité des traits a disparu pour faire place à des déformations faciales variées.

Une autre série de photographies représentant des parents élevés à l’ancienne et leurs enfants nés après l’adoption du régime moderne (Indiens de la côte du Pérou et des Andes, Africains et Fidjiens). Ces documents montrent de façon évidente que la perte du type racial peut survenir dans certains cas d’une génération à l’autre.

E/ ALIMENTATION ET HÉRÉDITÉ.

Price ne se cache pas qu’en attribuant les malformations maxillo-faciales et la perte du type racial à l’alimentation, il révolutionne les données classiques. En effet comme il le rappelle lui-même : « la reproduction constante du type racial constitue l’une des lois fondamentales de l’hérédité ». D’autre part les malformations maxillo-faciales sont en général considérées comme résultantes du mélange de souches raciales différentes (quand elles ne sont pas attribuées à des habitudes défectueuses de respiration, de sommeil ou de posture, ou même de succion du pouce) ». C’est ici que l’étude des métis, observés dans les différents groupes ethniques, prend toute sa valeur. Or l’auteur précise que les jeunes métis qu’il a examiné suivent les mêmes règles que les individus de sang pur : lorsque les parents sont modernisés, les déformations apparaissent chez les enfants. Si, au contraire, les parents ont gardé l’alimentation ancestrale, les jeunes sont normaux, leurs traits sont bien proportionnés, quoique souvent de type intermédiaires à ceux des parents. Plusieurs des jeunes métis vus par Price étaient même d’une beauté remarquable.

L’auteur en conclue que tous les modernisés, qu’ils soient de sang pur ou métis, le facteur alimentaire a perturbé l’action normale de l’hérédité : « Bien des faits attribués a l’hérédité, dit-il, sont en réalité le résultat d’une hérédité interceptée ».

F/ ALIMENTATION ET MORBIDITÉ

Considérant le problème de la morbidité Price dit : « Chez les groupes primitifs isolés la perfection physique coïncide avec une forte immunité vis à vis de plusieurs de nos processus dégénératifs modernes y compris la tuberculose, les arthrites rhumatismales, les maladies cardiaques et d’autres affections des organes internes. Lorsqu’au contraire ces individus perdent leur excellence physique il se produit une nette diminution de la résistance a ces mêmes processus de dégénérescence. En particulier le rétrécissement de la face et des arcades dentaires coïncide avec un accroissement de la prédisposition à la tuberculose pulmonaire ».

En effet, dans les divers sanatoria et hôpitaux visités par l’auteur (Alaska, Nouvelle-Zélande, Hawaï…), 90 à 100% des sujets tuberculeux présentent des anomalies maxillo-faciales, principalement des malformations des arcades avec implantation défectueuse des dents. Une série de clichés recueillis parmi les malades de ces établissements illustre ces faits.

A l’appui de ces constatations Price cite les conclusions semblables de deux auteurs : celles de G. Draper qui insiste sur l’association fréquente d’anomalies morphologiques de la face et des maxillaires avec une sensibilité accrue du terrain aux maladies ; celle de Weisman qui constate la corrélation nette qui existe entre tuberculose et thorax étriqué (autre malformation souvent constatée par Price chez les sujets modernisés).

Or malformation et morbidité accrue prédominent chez les individus qui ont adopté l’alimentation civilisée, ce qui amène Price à conclure que le facteur alimentaire peut conditionner la sensibilité du terrain aux maladies.

G/ ALIMENTATION ET PSYCHISME.

Lors de ses expéditions l’auteur avait été frappé à plusieurs reprises par le caractère énergique et la joie de vivre des primitifs isolés ainsi que par la rareté des caractères anti-sociaux, en particulier celui de la criminalité. Les sujets modernisés, par contre, paraissent nettement moins exemplaires dans ce domaine.

Divers auteurs, (dont Tredgold, avaient déjà remarqué la fréquence des malformations du palais chez les pensionnaires des asiles et des prisons. Price cherche à confirmer le fait par des constatations personnelles. Dans l’état du Cleveland, il examine les sujets de cinq institutions différentes et calcule pour chacune d’entre elles le pourcentage des sujets présentant des malformations maxillo-faciales. Les résultats obtenus sont les suivants :

– école pour retardés scolaires : 97%
– école pour pré-délinquants : 98,4%
– ferme pour délinquants mineurs : 100%
– pénitencier : 100%
– prison 100%

Rapprochant ces données des observations recueillies auprès des groupes modernes et isolés, Price se demande si l’alimentation pré-natale, qui semble influencer la perfection physique et la morbidité, ne peut également retentir sur la formation du système nerveux et ainsi conditionner le psychisme. L’association quasi-constante des troubles de comportement et des anomalies physiques pourrait le faire supposer.

H/ ALIMENTATION PRÉ-NATALE.

C’est avant la naissance qu’a lieu l’action principale de l’alimentation de substitution moderne. A l’appui de cette hypothèse Price donne plusieurs arguments :

1) La fréquence chez les femmes modernisées de troubles de la gestation et de l’accouchement.

2) L’apparition des malformations maxillo-faciales dès la première génération qui suit l’adoption par les parents de l’alimentation moderne (et non progressivement après plusieurs générations).

3) L’existence de faits semblables chez les animaux. L’auteur cite alors les expériences de Mellanby (22), Mason (19), Meigs et Converse (20), Barrio (1), Sherman (29), Hart et Gilbert (8), Hugues (11) et Hale (7) qui montrent qu’un régime pauvre en certaines vitamines chez la femelle, ou parfois même chez le mâle, entraine des troubles divers chez le jeune animal (morts-nés, monstres, troubles de la vision, de l’audition, malformation du palais et des maxillaires, bec-de-lièvre) ou encore chez la mère (stérilité, gestation et lactation difficiles).

Or les analyses chimiques vont montrer précisément que le régime moderne est relativement pauvre en vitamines.

4) Les primitifs eux-mêmes attachent presque toujours une importance primordiale à l’alimentation pré-natale :
– chez les Esquimaux et les Indiens de la côte du Pérou, les œufs et la laitance de poisson sont utilisés pour augmenter la fertilité des parents (les œufs pour la mère, la laitance pour le père).
– les Indiens d’Alaska se servent de la thyroïde de renne dans le même but.
– les Masaï donnent aux femmes enceintes une ration supplémentaire de sang. Les Kikuyu leur prescrivent un régime spécial contenant, entre autres, du millet rouge. D’autres tribus africaines utilisent les cendres de différentes plantes pour fortifier les mères et attribuent une nourriture particulière aux jeunes filles, six mois avant leur mariage.
– dans l’Ile de Fidji, les femmes se procurent une certaine variété d’araignée de mer dont elles se nourrissent pendant la période de gestation.

En résumé, pour Price, l’alimentation primitive conditionne la santé physique, mentale et morale des communautés isolées et son remplacement par le régime moderne entraine la dégénérescence progressive de leurs frères civilisés. L’auteur a voulu vérifier et confirmer cette affirmation par une série d’expérimentations cliniques et biologiques.


EXPÉRIMENTATION CLINIQUE ET BIOLOGIQUE

Considérant les régimes primitifs et modernes, Price écrit : « Puisque la réussite des primitifs dépend avant tout de règles diététiques, il est intéressant : premièrement d’évaluer leurs régimes alimentaires par rapport aux besoins fixés par la science moderne, pour les comparer ensuite aux aliments de notre civilisation, deuxièmement d’expérimenter les régimes primitifs en appliquant leur équivalent à nos familles modernes ».

Pour réaliser ce double but, Price va entreprendre des analyses chimiques et des expériences biologiques et des applications cliniques.

A/ ANALYSES CHIMIQUES.

L’auteur dresse tout d’abord un tableau récapitulatif des différents régimes alimentaires étudiés :

1) Suisses : Pain de seigle entier, produits laitiers de haute qualité, viande une fois par semaine et légumes surtout l’été. Le foin récolté est particulièrement riche en chlorophylle.

2) Celtes : Céréales (surtout avoine), produits de la mer (poissons, coquillages), légumes on quantité limitée. Plat spécial : tête de morue farcie d’avoine et de foie de poisson.

3) Esquimaux : Animaux marins ot terrestres (phoque, caribou, poisson). Peu de végétaux : baies, algues, plantes (fraiches ou conservées dans l’huile de phoque). Organes et viscères d’animaux, œufs de poisson. Couche interne de la peau de narval.

4) Indiens : Aliment de base : gibier (caribou, renne, poisson de rivière). L’été quelques baies et plantes. L’hiver certaines écorces et bourgeons. Organes et viscères d’animaux (y compris moelle et tractus digestif).

5) Mélanésiens et Polynésiens : Alimentation mixte et variée : produits de la mer, poisson de rivière, cochon sauvage, plantes et fruits. Taro.

6) Africains : Alimentation variable selon les tribus :

Éleveurs : Viande, sang, lait, quelques plantes et fruits, insectes fourmis, sauterelles etc.)
Agriculteurs : Céréales et végétaux (mars, millet, patates douces, fèves, bananes, insectes.
Chasseurs : Gibier, poisson d’eau douce, plantes, fruits, insectes.

7) Australiens : Sur la côte : produits de la mer (poisson, coquillages, algues), animaux (dugong), plantes et fruits. Organes et viscères.
A l’intérieur : animaux (kangourou, rongeurs, insectes, oiseaux et leurs œufs, organes et viscères). Végétaux : racines, tiges, feuilles, baies, pois indigènes .

8) Maoris : Produits de la mer, plantes marines, oiseaux (mutton bird) et leurs œufs, plantes,  graines, racines de fougère.

9) Detroit de Torrès : Produits de la mer (poisson, coquillages et dugong), plantes (taro, bananes, fruits du papayer, prunes).

10) Indiens du Pérou :

Côte : Produits de la mer et végétaux.
Andes : Lama, alpaca, vigogne, cochon d’Inde, patates, mars, fèves, œufs de poisson séchés.
Amazone : Poisson de rivière, gibier, oiseaux et leurs œufs, plantes et fruits sauvages.

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Par Véronique PAGNIER — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=13132049

Le régime moderne adopté par les groupes civilisés est toujours le même au détail près quelle que soit la région envisagée :

11) Régime moderne : Pain blanc, farine blanche blutée et ses dérivés, parfois riz poli. Sucre raffiné, sucreries, confitures, mélasses. Conserves variées. Graisses végétales. Thé, café, chocolat.

En faisant l’analyse chimique de tous ces régimes, grâce aux échantillons alimentaires prélevés au cours de ses expéditions, l’auteur constate :

a) Les régimes utilisés par les groupes primitifs sont « très différents si l’on en juge par le nom et le type des aliments…et cependant très voisins si on les réduit a leur contenu en vitamines et sels minéraux » .

b) »Leur caractéristique principale du point de vue chimique est la proportion relativement élevée des substances plastiques par rapport aux facteurs énergétiques ». Et Price ajoute : « En général tous ces régimes présentent au point de vue des substances plastiques un facteur de sécurité qui est en moyenne de 2 à 6 fois plus élevé que celui des aliments modernes de substitution ».

c) Au contraire dans le régime alimentaire moderne les teneurs en substances plastiques atteignent à peine les besoins alimentaires minimum calculés par Sherman (29), (Ca : 0g68, Fe : 0g015, P : 1g32, etc.) et Price rassemble en un tableau schématique les résultats obtenus pour un certain nombre de substances (voir page 20).

d) L’auteur remarque en outre l’usage très fréquent dans les divers groupes d’un certain nombre d’aliments, d’ailleurs bien connus et recherches par les indigènes qui sont parfaitement conscients de leur haute valeur nutritive :

– organes d’animaux, moelle et viscères sont abondamment utilisés par les Esquimaux, les Indiens , les Australiens.
– les œufs et les foies de poisson sont considérés comma essentiels par plusieurs groupes (Celtes, Mélanésiens, Polynésiens, Esquimaux).
– divers insectes sont très recherchés par les tribus africaines.
– les Suisses n’ignorent pas la haute qualité de leurs produits laitiers d’été, en particulier le beurre de juin obtenu lorsque les vaches sont montées à l’alpage.
– Suisses et Celtes isolés sentent intuitivement la valeur de leurs procédés anciens de mouture qui ménagent tous les constituants des céréales.

Or, à l’analyse chimique, tous ces produits se révèlent très riches en sels minéraux et vitamines, en particulier en vitamines liposolubles et Price dit : « Une des caractéristiques essentielles des régimes efficaces des races primitives est la présence de nombreuses sources de catalyseurs du groupe liposolubles ».

e) Les régimes primitifs contiennent toujours :
– un minimum de produits végétaux dont certains  sont consommés crus.
– une quantité plus ou moins importante d’aliments d’origine animale (viande, laitages, sang, produits de la mer). Une seule exception les tribus agricoles d’Afrique qui se nourrissent uniquement de céréales et végétaux et qui sont d’ailleurs relativement inférieures aux autres groupes isolés.

f) Enfin Price est particulièrement frappé par la vigueur et la beauté physique exceptionnelle des peuples utilisant les aliments marins :
« Pendant ces enquêtes auprès des races primitives, dit-il, j ‘ai été impressionné par la qualité supérieure du stock humain produit par la nature partout où existait une source abondante de produits de la mer ».

TABLEAU DES ANALYSES CHIMIQUES
des rations alimentaires
__________________

Les chiffres indiquent le rapport de grandeur entre la teneur d’un certain corps dans le régime indigène et la teneur de ce même corps dans le régime moderne. (Ainsi en Suisse la teneur en calcium est 3,7 fois plus forte dans le régime isolé que dans le régime moderne).

tableau-analyse-chimique

Note : De plus la teneur en vitamines hydrosolubles est également très augmentée dans les régimes primitifs par rapport au régime moderne.

B/ EXPÉRIMENTATION BIOLOGIQUE.

L’examen critique et l’analyse chimique des régimes ont convaincu l’auteur de la valeur primordiale de certains aliments tels que : céréales entières, laitages, organes d’animaux, produits de la mer et végétaux. Il restait à vérifier l’importance de certaines de ces substances par des tests biologiques.

a) Expériences sur les céréales.

Dans une première expérience, Price compare la valeur nutritive du blé entier et de la farine blanche du commerce.

Des rats de même âge et même poids, sevrés le 23ème jour, sont placés dans trois cages à raison de 8 rats par cage. Tous reçoivent exactement la même ration alimentaire sauf en ce qui concerne le pain :

– au premier groupe, on donne du pain de blé entier fraîchement moulu
– au deuxième, du pain de farine blanche du commerce.
– au troisième groupe, du pain fabriqué avec une farine intermédiaire contenant le son et les couches périphériques du blé (bran and middlings)

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By Roger McLassus – Photo taken and uploaded by Roger McLassus., CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=540913

L’expérience est poursuivie pendant plusieurs mois et donne les résultats suivants :
– Les rats du groupe I, se développent bien et se reproduisent normalement à l’âge de trois mois. Ils sont d’humeur paisible et peuvent être manipulés facilement.
– Ceux du groupe II poussent mal, perdent leurs poils et ont des caries dentaires. Ils sont agressifs et essayent de mordre. Ils ne se reproduisent pas.
– Les rats du groupe III sont considérablement hypotrophiques et manquent de vitalité. Ils sont incapables de se reproduire. Par contre ils ne présentent ni caries dentaires, ni agressivité.

Price mesure les taux de calcium, phosphore, fer, cuivre, et cendres (résidu sec) dans les trois pains utilises. Il constate que les chiffres les plus élevés sont obtenus pour le pain de farine intermédiaire. Ceux du pain de blé entier sont légèrement moindres et ceux du pain de farine blanche considérablement inférieurs. Or, malgré ces écarts, qui paraissent en faveur du pain de farine intermédiaire, les rats du groupe III sont déficients. Price se demande si l’une des raisons de ce phénomène, en apparence paradoxal, n’est pas la différence de fraîcheur des deux produits : pour la fabrication du pain de blé entier, en effet, le grain était moulu à la main au fur et à mesure des besoins et utilisé aussitôt. Au contraire, les produits de la farine intermédiaire provenaient d’une entreprise de meunerie et avaient perdu leur fraîcheur. Ainsi le germe avait eu largement le temps de s’oxyder et de s’appauvrir en vitamine B et vitamine E.

Quoiqu’il en soit, la supériorité énorme du blé entier fraîchement moulu, parait à Price incontestable et il conclut : « Il est évident qu’il faut conserver aux céréales consommées toutes les substances, vitamines ou sels minéraux, qu’elles contiennent à l’état naturel. »

b) Expériences sur le beurre.

Price avait été frappé de la qualité exceptionnelle du beurre fabrique dans les hautes vallées suisses au mois de juin. En particulier le taux des vitamines A et D était supérieur a celui des meilleurs produits américains. Or ce beurre était obtenu lorsque les vaches montaient a l’alpage et mangeaient les jeunes pousses d’herbe récemment libérées par la fonte des neiges. Après divers essais l’auteur réussit à obtenir un produit de qualité voisine avec des vaches se nourrissant d’herbages en période de croissance rapide. Par exemple des jeunes pousses de céréales (blé ou seigle). C’est avec ce « beurre spécial » que Price va réaliser plusieurs expériences.

1. : Expérience I sur les poussins.

Trois lots de 25 poussins de 3 jours sont nourris de grain et d’une quantité déterminée de beurre :
1er lot beurre pauvre en vitamine A et vitamine D
2è lot : beurre riche en vitamine A, pauvre en vitamine D
3è lot : beurre « spécial » (riche en vitamines A et D)

Or les poulets du 3ème lot se développent beaucoup plus rapidement et l’on constate chez eux une augmentation des taux du calcium et du phosphore sanguins, alors que ces mêmes taux diminuent chez les poussins des deux autres lots. En outre, le troisième lot mange beaucoup plus de beurre que les deux autres. Cette dernière constatation laissait supposer que les poussins étaient capables de reconnaître le meilleur beurre (alors que Price et ses assistants en étaient parfaitement incapables).

2. : Expérience II sur les poussins.

Pour mettre ce fait en évidence, Price recommence l’expérience avec 40 poussins nourris au grain et places cette fois dans la même cage. Les trois espèces de beurre sont disposées dans trois récipients identiques, fréquemment changes de place, Les poussins mangent régulièrement 2 parts 1/2 de beurre « spécial » pour 1 part des autres beurres.

3.- : Expérience III sur les poussins.

Dans cette expérience, Price utilise encore trois lots de 25 poussins auxquels 11 donne un régime carencé (régime 3.142 de Mc Collum) avec en complément les trois mêmes types de beurre que précédemment. Les taux de mortalité des différents groupes de poussins sont les suivants :

1er lot + beurre pauvre en vitamine A et vitamine D : 28%
2è lot + beurre riche en vitamine A, pauvre en vitamine D : 16%
3è lot + beurre « spécial » (riche en A et D) : 0%

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credit: lentilbreakdown.blogspot.com

En réalité ces expériences sont légèrement plus compliquées que nous l’avons indiqué. Price, en effet, titrait à l’époque la vitamine D par la « méthode de péroxydation de Yoder » (39). Cette méthode, dosait en fait, non seulement la vitamine D, mais une ou plusieurs autres substances mal définies que Price appelle provisoirement « facteur X » (activator X). Le beurre de « type spécial » était donc ainsi riche en vitamine A, vitamine D et facteur X. Price prétend démontrer la différence entre vitamine D et facteur X par l’expérience suivante :

4. : Expérience sur les dindons.

Cette expérience est réalisée sur un élevage de dindons nourris avec un produit spécialisé du commerce. Dans ces conditions, les dindons se développent mal et présentent une faiblesse marquée des pattes. Trois groupes sont utilisés :

Groupe I : témoins + régime habituel (produit du commerce)
Groupe II : régime habituel + huile de foie de morue
Groupe III : régime habituel + huile de foie de morue + beurre « spécial »

Au bout de huit jours les dindons du groupe III peuvent se tenir debout, alors que ceux des deux autres groupes en sont incapables. En outre, l’augmentation de poids est la suivante :

Groupe I : 8,3%
Groupe II : 16,7%
Groupe III : 37,5%

Quel que soit l’intérêt du « facteur X », ces expériences tendent à démontrer la haute valeur nutritive du beurre « spécial », semblable au beurre d’alpage et sa supériorité sur les beurres du commerce.

De ces diverses épreuves biologiques, Price conclut que le régime moderne est déficient, non seulement, parce que les civilisés ont peu a peu délaissé certains aliments, mais aussi parce que la qualité de ceux qu’ils utilisent a été modifiée par l’industrie alimentaire moderne : « Le commerce moderne, dit-il, a délibérément privé certains aliments naturels d’une part importante de leurs constituants plastiques, tout en gardant les substances énergétiques qui apaisent la faim ».

Note de Clair et Lipide : il est quasiment certain que le fameux Facteur X recherché, trouvé par Price est la vitamine K2, certes découverte plus tard, les écrits de Weston Price coïncidant avec ce que l’on connait sur cette vitamine. Il est d’urgence nécessaire de lire cet article de Chris Masterjohn qui mène sa propre recherche pour lier Facteur X et Vitamine K2, et conclue sur l’action synergique des vitamines A, D et K2, ce qui est très proche de la conclusion de Price.

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c) Expériences sur le sol.

Pour expliquer cette insuffisance qualitative de l’aliment civilisé, Price pense qu’il faut remonter au sol. L’auteur cite alors rapidement les résultats d’enquêtes faites auprès des services agricoles de différentes régions des États-Unis, enquêtes doublées par des analyses chimiques de fourrages et de produits laitiers, qui lui permettent de rapporter directement la qualité des fourrages, du bétail, et des produits laitiers d’une région, au degré d’épuisement du sol.

Cette affirmation est basée en particulier sur l’analyse d’échantillons de beurre reçus régulièrement tous les mois de seize districts des États-Unis et du Canada, ainsi que d’Australie et de Nouvelle Zélande. Price constate que l es teneurs en vitamines (et en « facteur X ») de ces beurres sont proportionnelles à la fertilité du sol. Elles sont particulièrement basses dans les régions dont le sol a été progressivement épuisé par de nombreuses années de culture intensive (par exemple : l’est, l’extrême ouest et le sud des États-Unis).

C/ APPLICATIONS CLINIQUES.

S’il est vrai que la supériorité physique, mentale et morale des primitifs est due à leur régime alimentaire, ce même régime doit avoir une action clinique intéressante. II restait à l’auteur à vérifier cette hypothèse sur des collectivités humaines modernes.

1) Les premières applications cliniques cherchèrent à mesurer l’action a court terme du facteur alimentaire et plus exactement son action sur les caries dentaires. Elles portèrent sur 35 enfants qui appartenaient à des familles pauvres d’une région industrielle et qui présentaient tous de nombreuses caries. Price fit donner à ces enfants 6 fois par semaine, un repas de midi « renforcé », le régime familial étant conservé le reste du temps. L’expérience dura 5 mois et les résultats furent contrôlés par un examen clinique répété toutes les 4 ou 6 semaines. L’auteur donne les précisions suivantes :

a) l’examen clinique comportait :
– examen radiologique complet des dents
– repérage soigneux de chaque carie
– analyse chimique de la salive
– taille et poids de chaque enfant
– tests évaluant le niveau scolaire et le comportement

b) le régime familial se composait essentiellement de : pain blanc et produits à base de farine blanche, graisse végétale, mélasse, sucre raffiné et café.

c) le repas « renforcé » était conçu de la manière suivante :
– 120 grammes (40 ounces) de jus de tomate ou d’orange
– une cuillère à café d’un mélange a parties égales de « beurre spécial » et d’huile de foie de morue naturelle
– ragout de viande et légumes (comprenant entre autres moelle et carottes)
– Fruits cuits très légèrement sucrés
– deux verres de lait frais entier
– pain de blé entier, fraichement moulu.
Le menu était varié d’un jour à l’autre en remplaçant la viande par du poisson ou des organes d’ animaux.

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d) les résultats (après 5 mois de traitement) furent les suivants :
– aucune carie nouvelle
– tendance à la guérison des caries anciennes avec formation d’une couche d’ivoire secondaire en particulier au niveau des cavités pulpaires (fait vérifié radiologiquement).
– dans plusieurs cas, amélioration des tests de niveau scolaire et de comportement
– augmentation du coefficient de sécurité salivaire (évalué par une méthode personnelle à l’auteur : dosage des ions phosphore dans la salive en présence de poudre d’os et numération des bacilles L. acidophilus).

2) Dans deux autres séries d’observations le même traitement est appliqué pendant plusieurs années, mais avec interruption pendant l’été

– sur 17 sujets de 12 à 22 ans : 2 nouvelles caries en 3 ans (soit 0,4%).
– sur 50 sujets suivis pendant des périodes variant de 1 a 6 ans 2 nouvelles caries (soit 0,14%).

Dans un certain nombre de cas, Price a pu constater l’apparition de nombreuses nouvelles caries après interruption du traitement.

3) L’auteur insiste sur la nécessite d’appliquer l’ensemble du régime pour obtenir des résultats optima. L’expérience suivante réalisée dans une école de jeunes filles Maori, semble le démontrer. Les 66 filles de cette école furent divisées en deux groupes : les 33 filles ayant les meilleures dents, servirent de groupe témoin et leur régime alimentaire ne subit aucune modification. Les 33 autres prirent chaque jour une cuillerée à café de malt et d’huile de foie de morue. Au bout de 6 mois, le nombre des caries nouvelles du groupe expérimental était de 41,75% inférieur a celui du groupe témoin. Résultat intéressant, sans doute, mais que Price estime très imparfait.

4) II était évidemment tentant de faire l’essai de ce régime sur des femmes enceintes, mais il s’agissait là d’une entreprise de longue haleine et de réalisation plus difficile. Price rapporte néanmoins les résultats suivants : La même alimentation de type spécial est donnée a un groupe de mères pendant les périodes de gestation et de lactation puis à leurs enfants après le sevrage. Price constate chez ces enfants l’absence totale de caries dentaires. Certains d’entre eux, suivis jusqu’à l’âge scolaire, présentent un développement physique et une efficacité scolaire nettement supérieurs a la moyenne.

5) L’auteur cite encore le cas de deux sœurs de 6 et 10 ans. L’ainée est nerveuse, commence une cyphose dorsale et présente un rétrécissement de la face et des arcades avec dents chevauchantes, narines pincées et respiration buccale. Lors de sa naissance, le travail dura 53 heures et la mère resta ensuite maladive pendant 7 mois. Le régime de Price fut employé pour nourrir la mère lors de la deuxième gestation. Les résultats furent probants : la sœur cadette ne présente aucun des symptômes de l’ainée. Le visage est bien développé, les arcades sont larges et régulières, les dents sont bien rangées. Pour elle, l’accouchement dura 3 heures et les suites de couche furent normales.

6) Dans certains cas, enfin, le régime spécial de Price peut avoir une véritable action thérapeutique :

– La première observation concerne un garçon de 4 ans 1/2, fortement amaigri, présentant des convulsions a répétition, une bronchite sévère, de nombreuses caries dentaires et une fracture du fémur non consolidée, datant de trois mois. L’enfant était nourri de pain blanc et lait écrémé. Price lui donne du pain de blé entier fraichement moulu, du lait complet et 1 cuillerée a café par jour de « beurre spécial ». La guérison est obtenue en 1 mois avec consolidation clinique et radiologique de la fracture.

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– Le deuxième cas est celui d’un garçon de 5 ans atteint depuis 2 ans 1/2 de rhumatisme articulaire et cardiaque avec inappétence et baisse impressionnante de l’état général. Douleurs et arthrites rendent tout mouvement impossible et l’enfant est cloué au lit se plaignant sans arrêt. Price se contente de supprimer dans le régime alimentaire habituel du jeune malade, le pain et le lait du commerce et les remplace par du pain de blé entier et du lait complet auxquels il ajoute un peu de beurre spécial et de petites quantités d’huile de foie de morue naturelle. Grâce à ce traitement les douleurs disparaissent rapidement ; en 6 mois l’état général s’est considérablement amélioré et au bout d’un an l’enfant pour être considéré comme guéri. Des clichés illustrent ces 3 phases et sur le dernier en date la bonne santé apparente de l’enfant est évidente. (l’évolution des troubles cardiaques n’est pas précisée).


CRITIQUE DE L’ŒUVRE DE PRICE

A/ GÉNÉRALITÉS.

Nul ne peut lire l’œuvre de Price sans mesurer les qualités exceptionnelles de cet auteur.

Stomatologiste de talent, Price contribua a l’avancement des connaissances de sa spécialité et dirigea l’Institut de Recherche de la National Dental Association. Loin de borner son champ d’études aux lésions maxillo-dentaires, il fit œuvre de clinicien général en soulignant les rapports existant entre les caries et les autres lésions dégénératives de l’organisme (cf. « Dental Infections« ).

Mais la valeur de Price se révèle surtout par son talent d’expérimentateur et d’homme d’action. Sa théorie de la déchéance physique par abandon des traditions alimentaires n’est tout d’abord qu’une hypothèse résultant de sa bonne observation de la pathologie. Il n’hésite pas a consacrer six années de sa vie a chercher les prouves de la justesse de ses vues aux quatre coins du monde, soutenu d’ailleurs par l’admirable dévouement et l’aide efficace de sa femme, Florence PRICE. De ces expéditions lointaines, souvent difficiles et parfois même dangereuses, ils rapportèrent un faisceau d’arguments qui transformèrent l’hypothèse de départ en une théorie fortement étayée.

On nous permettra d’insister sur l’originalité de la démarche intellectuelle chez Price. La plupart des médecins sont avant tout des pathologistes et recherchent les causes des maladies. Price, au contraire, s’intéresse surtout aux causes de la santé. Cette orientation d’esprit est rare dans la médecine contemporaine, elle est, à nos yeux, la marque d’une intelligence exceptionnelle. Nous n’hésitons pas a faire nôtre le jugement de Hooton : « Je salue le Dr Price avec la plus sincère admiration (admiration légèrement teintée d’envie) parce qu’il a trouvé quelque chose que j’aurais aimé découvrir moi-même ».

B/ CRITIQUE DE LA MÉTHODE.

La méthode d’investigation de Price est remarquable et ceci pour deux raisons :

a) – elle met en parallèle deux sortes de collectivités de même race, vivant a la même époque, dans des lieux voisins et sous des climats semblables, éliminant ainsi les facteurs chronologiques, ethniques et géographiques. Les divers facteurs sociaux (habitation, vêtements, coutumes, alimentation…) sont étudiés et critiqués systématiquement.

Sans prétendre avoir épuisé un sujet aussi vaste, nous devons avouer n’avoir trouvé nulle part ailleurs une enquête aussi bien conduite. La plupart des ouvrages sur les peuples primitifs qu’il nous a été donné d’étudier, ne font pas d’étude comparée à la manière de Price :

– s’ils portent sur des peuplades anciennes (Aztèques, Incas, peuples coloniaux avant l’arrivée des Blancs, etc.) l’enquête médicale est des plus superficielles. Elle décrit plus les connaissances en l’art de guérir que l’état de santé des individus.

– s’ils portent sur des peuplades contemporaines, les travaux étudient toujours des groupes colonisés depuis plus ou moins longtemps et chez qui il est impossible de démêler ce qui appartient en propre à l’indigène, de ce qui est le résultat de la civilisation.

Au contraire, la méthode comparative de Price est inattaquable, Sa rigueur est telle qu’on peut l’assimiler à une véritable expérimentation biologique sur l’homme.

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b) – une autre particularité remarquable est l’universalité des investigations. La méthode comparative est appliquée dans des pays très divers et pour de nombreuses races, L’auteur a même su trouver en Europe des groupes ethniques vivant à l’état de primitifs. Or ces observations si variées se recoupent pour faire prévaloir les mêmes conclusions.

Mais les qualités que nous reconnaissons à l’œuvre de Price ne doivent pas nous faire passer sous silence ses faiblesses.

a) – La plupart des documents nous viennent de l’ouvrage principal « Nutrition and Physical Degeneration ». Or ce livre fut écrit pour le grand public et manque souvent de précisions scientifiques. L’auteur le reconnait et s’en excuse auprès des spécialistes et déclare qu’il a dû résumer l’essentiel de ses rapports personnels. Quant à ses autres publications ce sont en général des articles « peu détaillés ».

b) – Le nombre des sujets étudiés dans chaque groupe n’est pas toujours précisé. Pour certaines peuplades il n’est même donné aucun chiffre. De plus dans quelques groupes le nombre des sujets observés est peu important. Néanmoins si l’on additionne les chiffres exprimés on arrive au total de 2395 individus ; chiffre d’autant plus appréciable qu’il ne concerne que la moitié des peuples examinés.

c) – Dans l’enquête médicale, les faits cliniques concernant la dentition et le massif maxillo-facial sont donnés avec beaucoup de précision. Par contre, l’examen morphologique et l’enquête sanitaire sont souvent peu détaillés (ainsi Price ne stipule pas les mensurations physiques qu’il a effectuées et ne cite en aucun cas l’alcoolisme et la syphilis).

d) – L’enquête ethnologique et sociale est en général trop rapidement exposée, exception faite du régime alimentaire qui est toujours analysé avec soin.

e) – Si l’auteur a réussi a trouver ses groupes témoins dans des régions et parmi des souches ethniques extrêmement variées, il faut reconnaitre qu’il n’a retenu que ceux dont l’excellence était manifeste et il ne s’ensuit pas que ses conclusions soient valables pour toutes les peuplades primitives, (lui-même ne le prétend pas et déclare seulement qu’il a trouvé facilement de nombreux groupes primitifs dont le mode de vie était propre a entretenir une efficacité physique, mentale et morale remarquable).

C/ CRITIQUE DES FAITS CLINIQUES OBSERVÉS.

Nous avons entrepris des recherches bibliographiques pour contrôler les faits cliniques observés par Price. La littérature sur les groupes qu’il a vus s’est révélée peu abondante. Cependant nous avons pu réunir un certain nombre de travaux s’y rapportant. Aucun d’eux n’infirme les rapports de Price, par contre ils la corroborent pour la plupart.

a) Caries.

PEDERSEN (26) et WAUGH (37) constatent comme Price que les Esquimaux ont des dents excellentes lorsqu’ils mènent la vie ancestrale et au contraire des dents défectueuses lorsqu’ils adoptent les habitudes et l’alimentation de l’homme blanc.

COLYER et SPRAWSON (3) examinant des Africains et des indigènes des Iles du Pacifique trouvent das pourcentages voisins de ceux de Price (0,2 à 8%). De même OR et GILKS (25) chez les Masai et les Kikuyu (Masai 1,6 à 3,6% – Kikuyu 13,1 à 13,7%).

M. MELLANBY (21) citant le Rapport Carnegie sur la santé des mères et enfants d’Écosse en 1913 corrobore les constatations faites par l’auteur dans l’Île de Lewis.

OETLI, cité par THIROUX (34), trouve à Ayer 3 caries sur 800 dents examinées. Au contraire a Vissoie, la fréquence des caries est considérable. Nous citerons enfin les travaux de PICKERILL (27), MUMMERY (24), COLYER et SPRAWSON (3), qui confirment la rareté des caries observées sur les dentitions de crânes primitifs plus ou moins anciens. HARTWEG (9) trouve des résultats semblables en examinant des collections de crânes de l’époque préhistorique et protohistorique en France. Les dents cariées sont nulles à l’époque paléolithique, très rares au mésolithique, puis augmentent légèrement : néolithique 3%, période gauloise 6%, période romaine 11% (époque actuelle 33%).

b) Anomalies physiques.

Nous n’avons trouvé que peu de données a ce sujet. Néanmoins on peut citer les faits suivants:

ORR et GILKS signalent un pourcentage de déformations osseuses très faible chez les Masaï, plus élevé chez les Kikuyu.

SEILER (28), étudiant l’état de la dentition dans une haute vallée du Valais récemment modernisée, (région de Goms), constate que les « anciens » des villages ont presque tous des arcades régulières et des dents bien rangées, et que l’on ne retrouve plus dans les plus jeunes générations élevées avec l’alimentation moderne.

c) Santé et Morbidité

THOMAS (35) et STEFANSSON (32) décrivent la bonne santé des Esquimaux isolés et l’état lamentable de leurs frères civilisés ayant adopté la nourriture moderne (céréales, légumes desséchés et conserves).

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HOYGOORD (10), dans une étude des Esquimaux Angmassalik est frappé des ravages causés par la tuberculose pulmonaire chez les individus modernisés. Dans les groupes isolés, au contraire, la maladie est moins fréquente et a tendance à s’éteindre. STEFANSSON (33) rapporte des faits semblables au sujet des Indiens de Hay River.

Chez les Indiens du Yukon, DUNCAN (5) note la morbidité supérieure des sujets au contact de la civilisation.

ORR et GILKS constatent que les Masaï sont beaucoup moins sujets aux maladies que les Kikuyu, en particulier en ce qui concerne les affections pulmonaires (bronchite, pneumonie et tuberculose), la malaria, les helminthiases et les ulcères cutanés.

D/ CRITIQUE DE L’EXPÉRIMENTATION.

Les difficultés nombreuses inhérentes à la réalisation de toute recherche expérimentale ainsi que le temps énorme dont il faut disposer pour les mener a bien, font que les travaux de Price dans ce domaine sont forcement un peu disparates et incomplets. S’ils ne donnent pas une confirmation globale des idées de l’auteur, ils fournissent du moins des aperçus intéressants sur plusieurs points.

a) Analyses Chimiques.

La somme des analyses chimiques d’échantillons alimentaires est considérable et ses résultats probants dans leur concordance universelle. Quelles que soient les régions considérées, le régime primitif apparait nettement supérieur au régime moderne de substitution, en particulier en ce qui concerne les éléments de protection (les teneurs en vitamines et sels minéraux sont en effet constamment 2 à 6 fois plus fortes et parfois bien davantage).

Malgré l’importance de ce résultat, Price n’y accordait lui-même qu’une valeur relative, insistant sur la pauvreté des données de la science alimentaire et l’existence probable de nombreuses vitamines et substances organiques inconnues. De telles remarques nous paraissent être valables encore aujourd’hui malgré les progrès réalisés on matière de biochimie alimentaire.

b) Expériences biologiques.

Elles nous paraissent un peu squelettiques. II est dommage que l’auteur n’ait pas eu l’idée de comparer l’effet du régime moderne et de quelques régimes primitifs sur des animaux de laboratoire.

Chose curieuse, de telles études ont été faites entre 1924 et 1934 alors que Price organisait ses expéditions, par un auteur anglais Sir Robert Mc CARRISON (16). Cherchant a vérifier les dires de Mc CAY (17), qui voyait un rapport direct entre les différences physiques des peuplades hindoues et leurs régimes alimentaires, Mc CARRISON réalise une série d’expérimentations sur le rat. Les résultats de l’une d’entre elles se rapprochent étonnamment de ceux trouvés par Price dans son expérience sur les céréales:

– A un premier groupe de 20 rats, Mc Carrison donne le régime des Sikhs, un peuple du nord de l’Inde dont il avait pu constater l’excellence physique et la santé, à savoir: pain de blé entier fraichement moulu, laitages entiers, légumes et fruits crus, un peu de viande et d’os.

– A un deuxième groupe de 20 rats également, il donne le régime communément employé à Whitechapel, qui est l’un des quartiers pauvres de Londres: pain blanc, margarine, viande de conserve, pommes de terre et choux bouillis, confiture bon marché du commerce, sucre raffiné, thé, un peu de lait écrémé.

455px-Libby_McNeill_&_Libby_Corned_Beef_1898.jpgBy A.C. Cunningham, San Francisco, California (signed lower right) – Rear advertisements section of To the Klondike Gold Fields by the Alaska Commercial Company, 1898, San Francisco, California. Digital scan at https://archive.org/details/toklondikegoldfi00alas, Public Domain, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=24988248

On croirait lire, au détail près, la description du régime moderne et du régime spécial « renforcé » de Price, y compris la présence de pain de blé entier d’une part et pain blanc de l’autre.

Or les résultats recoupent ceux de Price de façon indubitable :

– le premier groupe est florissant, se développe et se reproduit normalement et les rats « vivent heureux ensemble », Mc Carrison est à ce point impressionné par les heureux effets de ce régime qu’il l’emploie pour son stock de 1000 rats, et, en cinq ans, il n’observe ni de cas de maladie, ni de cas de mortalité infantile, ni cas de mort pendant la gestation.

– les rats du deuxième groupe ne prennent pas de poids, leur pelage est hérissé et terne; ils sont nerveux et cherchent à mordre et, à partir du soixantième jour de l’ expérience ils commencent à se dévorer entre eux, si bien qu’il faut les séparer. Enfin ils présentent un pourcentage élevé d’affections diverses, en particulier pulmonaire et gastro-intestinales.

d) Applications cliniques.

Les applications cliniques de Price sont pleines d’intérêt, mais malheureusement très incomplètes. Il aurait été passionnant, en particulier, de savoir l’état du massif maxillo-facial des enfants dont les mères avaient bénéficié du régime alimentaire spécial de l’auteur.

May MELLANBY (21), pour ne citer que cet auteur, obtient sur les caries dentaires une action comparable, chez des enfants dont le régime alimentaire est renforcé en calcium, phosphore et vitamines A et D. Il faut noter cependant que ses résultats sont moins bons que ceux de Price. De plus Mellanby croit devoir déconseiller l’usage des céréales, mais elle utilise, dans ses essais, les aliments du commerce, en particulier le pain blanc, et il s’ensuit que les deux séries d’expériences ne sont pas entièrement superposables.

Plus d’informations sur les travaux de May Mellanby et de son mari ici :

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E/ CRITIQUE DES DÉDUCTIONS.

1) Il y a lieu, tout d’abord, de noter que Price a trouvé des peuples primitifs en excellent état de santé. II s’agit là d’un fait qui est peu connu du grand public et dont la littérature scientifique parait s’être peu préoccupé. II est difficile de se faire une idée d’ensemble sur le niveau de santé des primitifs en général : Sont-ils toujours en meilleur état que les peuples civilisés ? II ne semble pas, mais il est probable que dans cette question de nombreux facteurs sont en cause, en particulier géographiques et climatiques. L’important nous semble être qu’il existe des peuples primitifs harmonieusement développés et nous savons gré à Price de nous en avoir décrit. Voyageur infatigable il n’a pu néanmoins explorer l’Inde ou le cas des HUNZAS aurait certainement retenu son attention.

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Par FaizanAhmad — Travail personnel, CC BY-SA 3.0

Ce peuple découvert par Mc CARRISON (15) et décrit également par E. et D. LORRIMER (13 et 14), mériterait une étude en soi. Retranchés dans un contrefort isolé du Karakorum, au nord de Cachemire, les Hunzas ont su transformer leur rude vallée en un oasis de fertilité, par des prodiges d’ingéniosité. Leur alimentation surtout fructo-végétarienne est à base de : céréales entières, légumineuses, laitages, légumes et fruits crus, peu de viande. Si leur régime est extrêmement riche en élément de protection il est la plupart du temps très frugal, en particulier de mars à juillet, véritable « printemps de famine » pendant lequel la « soudure » est difficile. Ces montagnards possèdent donc une alimentation de bonne qualité mais sont insuffisamment nourris. Fait paradoxal, malgré cette carence quantitative leur santé est florissante, la maladie chez eux est exceptionnelle, et ils sont considérés comme les meilleurs sherpas de la région himalayenne. Leur caractère heureux et leurs qualités civiques et morales, ainsi que leur longévité et la vitalité de leurs vieillards font l’admiration des explorateurs de passage. (Un bon ouvrage de vulgarisation, tiré des ouvrages de Mc Carrison et des Lorrimer, a été écrit récemment par BIRCHER (2).)

Nous n’avons, pour notre part, aucune réticence a admettre la notion qu’il existe des peuples parfaitement isolés dont l’attachement à une tradition empirique millénaire coïncide avec un haut degré de santé et qui n’ont rien à attendre, dans ce domaine, de la civilisation.

2) La plus importante conclusion de Price est la primauté du facteur alimentaire dans le maintien de la santé. Il faut noter que ce facteur est remarquablement mis en évidence par l’auteur. Les facteurs chronologique, géographique, climatique et racial sont éliminés, comme nous l’avons vu du fait même de la méthode employée. Quant aux différents facteurs sociaux (habitation, vêtements, mœurs, coutumes…), Price les a notés, mais il constate que leurs variations n’est pas accompagnée d’une variation parallèle du degré de santé.

La prédominance du facteur alimentaire est donc strictement étayée. Elle est d’ailleurs corroborée par un certain nombre d’auteurs.

Me COLLUM (18) a décrit en 1922 la dégénérescence de tribus indiennes d’Amérique du nord et d’Esquimaux du Labrador et l’avait rapportée a l’adoption de la nourriture moderne.

Mc CAY (17), de son côté avait étudié des 1913 les différents peuples de l’Inde et leur alimentation. Il constatait que les tribus pastorales vivant de viande, de lait, de fruits, étaient doués d’une robustesse supérieure à celle des peuples mangeurs de céréales, le cas extrême étant celui des mangeurs de riz poli du Bengale. Mc CARRISON (16), contemporain de Price, reprend les études de Mc Cay et les confirme. De plus, il applique à sept groupes de rats les régimes de sept peuples hindous d’excellence physique et de santé décroissante. II reproduit ainsi chez les rats la même hiérarchie des niveaux de santé et, jusqu’à un certain point, les mêmes maladies prédominantes.

ORR et GILKS, dont nous avons déjà cité l’étude récente sur les Masaï et les Kikuyu, ont su rapporter au facteur alimentaire l’inégal développement physique de ces tribus. Ils soulèvent même la possibilité que ce facteur soit déterminant dans la sensibilité aux maladies infectieuses.

Tels sont les travaux qui confirment le point de vue de Price sur la primauté du facteur alimentaire.

Il y a lieu cependant de faire quelques réserves :

a) Certains facteurs sont passés sous silence : ainsi la syphilis et l’alcoolisme, nous l’avons dit, ne sont pas envisagés. D’autre part, il est regrettable que l’auteur n’ait pas envisagé l’influence du choc psychologique produit par le spectacle, étonnant pour un primitif, de la vie civilisée et de ses facilités techniques. C’est ce facteur que nombre d’ethnologues rendent responsables de la désagrégation des coutumes et des croyances. II n’est pas impossible qu’il intervienne également dans la dégénérescence de certains peuples primitifs. On trouve une opinion de cette sorte chez EMPERAIRE et LAMING (6) a propos des Fuégiens.

b) On est en droit de se demander si la cause des méfaits observes par Price est bien, comme il le pense, la mauvaise qualité du régime moderne. Il s’agit peut-être uniquement de la perte du régime auquel le primitif était adapté. La substitution au régime traditionnel d’un régime étranger quelconque, amènerait peut-être des méfaits identiques même si ce nouveau régime était satisfaisant pour d’autres peuples primitifs. On arriverait ainsi a la notion de spécificité i du régime ancestral pour un peuple donné. De toute façon il y a lieu de constater que notre régime moderne ne réussit pas a des peuples qui n’y sont pas adaptés et qu’il n’y a pas lieu de vouloir le leur imposer. C’était d’ailleurs l’opinion du Médecin General SOREL dont les travaux concernent les Noirs de l’A.O.F. (31).

c) On pourrait objecter que le régime que Price observe dans les groupes civilisés, n’est pas forcement le meilleur du genre. La preuve ne peut être complète, en effet, que si le régime moderne mis en parallèle avec le régime primitif bénéficie de tous les perfectionnements de la science de la nutrition. En fait les travaux de Price sont assez explicites à ce sujet. Les régimes modernes analysés par lui couvrent les besoins alimentaires minima des tables classiques. De plus ils n’engendrent jamais aucune des maladies habituellement rattachées a des carences. Il ne semble pas, par conséquent, que les régimes modernes mis en cause par Price, soient plus mauvais que les nôtres. D’ailleurs le pourcentage de lésions dégénératives qu’il a noté n’est pas supérieur a celui que la majorité des auteurs s’accorde à trouver dans tous les peuples civilisés (U.S.A. et Europe en particulier).

Malgré ces quelques réserves, la pièce maîtresse des déductions de Price, à savoir l’importance prédominante du facteur alimentaire dans le maintien de la santé, ne saurait à nos yeux être mise en doute.

d) Encore convient-il d’étudier si toutes les déductions de l’auteur sont acceptables :

a/ L’influence de l’alimentation sur les caries n’est pas douteuse Elle est de plus établie par de nombreux auteurs.

b/ L’influence sur les anomalies maxillo-faciales et autres déformations, entrainant la perte du type racial, est une hypothèse très intéressante. Nous trouvons d’ailleurs dans un article récent de KLOTZ (12) divers faits tendant à prouver que certains caractères, classiquement liés a l’hérédité, pourraient être conditionnés par les différents éléments du milieu, en particulier l’alimentation.

c/ L’influence de celle-ci sur les maladies infectieuses nous parait superficiellement étudiée. II semble que d’autres facteurs devraient être pris en considération, entre autres les facteurs épidémiques. L’hypothèse d’une influence du régime sur la sensibilité aux maladies infectieuses soulève un problème important mais qui nécessite une étude plus approfondie.

d/ Il en est de même pour l’influence de l’alimentation sur le psychisme et le sens moral.


CONCLUSIONS

En conclusion nous pouvons dire que l’apport de Weston A. Price au débat sur les rapports de la santé et la civilisation est considérable.

Son œuvre apporte en effet :

1/ Une méthode d’investigation originale reposant sur l’étude d’un grand nombre de peuplades contemporaines. À l’intérieur de celles-ci, il compare chaque fois un groupe privé de tout contact avec la civilisation et un groupe de même race gagne a la vie civilisée. Cette méthode est d’une telle rigueur qu’on peut en comparer les résultats a ceux d’une expérimentation biologique qui aurait l’homme comme sujet d’étude.

2/ Un tableau méconnu de la santé des peuples primitifs dont la robustesse, l’harmonie de structure physique est la résistance aux maladies étonne tout observateur civilisé. A l’inverse, les groupes civilisés apparaissent dégénérés à côté de leurs frères restés isolés du monde moderne.

3/ Un réquisitoire sévère contre l’alimentation civilisée. Dans chaque peuple étudié, c’est en effet le facteur alimentaire, et lui seul, qui oppose les conditions d’existence du groupe isolé et du groupe civilisé. Ce réquisitoire est étayé par des faits cliniques importants :

– signes positifs de santé et développement harmonieux, vitalité…
– proportion des caries dentaires et des malformations osseuses en particulier des malformations maxillo-faciales
– perte du type racial chez les civilisés
– augmentation chez ces derniers de la morbidité qui semble aller de pair avec un sens moral et social émoussé.

Au total, la thèse de Price nous semble séduisante :

– elle est étayée par de nombreuses analyses biochimiques et expérimentations biologiques réalisées par l’auteur.
– elle est confirmée par les observations d’un certain nombre d’auteurs (Mc Cay, Mc Carrison, Mc Collum, Mellanby, Orr et Gilks, Hoygoord, Stefansson, Pedersen etc.).

La seule réserve qu’il nous semble nécessaire de formuler, concerne l’étude de la morbidité générale. Non que la thèse de l’auteur ne nous paraisse pas acceptable, mais qu’elle nous semble moins solidement étayée dans ce domaine. Ce sujet mériterait d’être mis au point par des travaux complémentaires.


SOURCES

Disponibles sur le PDF du document original :

mackay

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