Scepticisme scientifique sur l’éthique et la « sentience »

Mon amie Cynthia a écrit une suite de posts commentant une infographie issue du milieu animaliste et scientifique. Cette infographie représente un lion 🦁 (réel, qui sue 💦 ?) et bénéficie d’une citation agrémentée de noms de personnalités scientifiques.

Juste un essai sur Bing Ai…

L’intégralité des publications se trouve sur Facebook, je vous en en propose une version retouchée pour s’intégrer sur un blog WordPress. Si vous avez des commentaires à laisser, c’est chez elle, j’assure juste sa promotion 😊

Bonne lecture.

Sylvain


La semaine dernière, je vous ai proposé de faire l’analyse critique d’une infographie. Vous avez été nombreux à y participer et je vous en remercie.

Cette semaine, je vais reprendre vos commentaires, ainsi que ma propre analyse de la chose.

Mais comme il y a énormément de choses à écrire, je vais séparer le tout en plusieurs posts selon le plan ci-dessous :

1 – Titre : « Science et Sentience »

2 – Texte (Citation)

3 – Référence « scientifique »

4 – Source de l’infographie

5 – Arrière-plan

6 – Image du Lion

7 – Conclusion générale

1 – Titre : « Science et Sentience«  💬

Simple, efficace, avec une belle rime et une esperluette pour l’esthétique, le titre rappelle des magazines de vulgarisation scientifique (« Science & Vie », « Science & Avenir », « Cerveau & Psycho ») et culturels (« Gault & Millau », « Art & Décoration », « Maison & Jardin », « Famille & Éducation »).

Il est « malin » dans le sens où, il s’adresse particulièrement aux personnes intéressées à la fois par les sciences et par la notion de « sentience », en laissant entendre à celles-ci qu’il y aurait un lien entre les deux, voire même que la notion de « sentience » serait quelque chose de scientifique.

Or, ce n’est pas le cas !

Ainsi, si des personnes critiquent, à juste titre 😉, ce lien supposé (la notion de « sentience » n’étant en réalité pas un terme scientifique, mais un terme philosophique), alors il peut être rétorqué qu’il s’agit d’une induction et que les personnes ont mal interprété les intentions de l’auteur.

C’est une manipulation de type : « Pile, je gagne ; Face, tu perds ».

2 – Texte : Citation 📝

Plusieurs personnes ayant participé à cet exercice ne semblent pas avoir remarqué (ou compris) que le texte principal de cette infographie était entre guillemets. Il s’agit donc d’une citation dont la référence est ensuite donnée (point 3). Nous verrons plus tard que cela n’a rien d’anodin.

Pour le moment, commençons par analyser la première phrase de cette citation :

« L’application aux plantes de termes issus de la physiologie sensorielle des mammifères (voir, entendre, sentir, conscience, intentionnalité) ne repose sur aucune base scientifique solide. »

Une chose très facile que tout le monde peut faire face à ce genre de phrase, pour en repérer les tentatives de manipulation, est de remplacer un mot par un autre.

Par exemple, si je remplace « plantes » par un autre groupe d’êtres vivants, cela donne :

« L’application aux oiseaux de termes issus de la physiologie sensorielle des mammifères (voir, entendre, sentir, conscience, intentionnalité) ne repose sur aucune base scientifique solide. »

Cela ne vous choque pas ?

Et si je vais plus loin…

« L’application aux animaux de termes issus de la physiologie sensorielle des humains (voir, entendre, sentir, conscience, intentionnalité) ne repose sur aucune base scientifique solide. »

J’espère que ce type de discours vous choque tout autant que moi !

Car, c’est bien évidemment le discours que tiennent les personnes qui nient toute sensibilité aux êtres vivants qui ne sont pas des Humains.

Voir, entendre, sentir ne sont pas des capacités sensorielles réservées aux Mammifères et encore moins aux Humains.

Cette phrase n’est donc en rien un argument valable contre la sensibilité sensorielle chez des organismes de la Lignée verte ou autres.

De plus, ces capacités ne nécessitent pas forcément une ‘intentionnalité’.

C’est par exemple la différence entre ‘entendre’ et ‘écouter’ de la musique. Et cela est valable pour chaque sens dont la fonction est de percevoir l’environnement, de manière volontaire ou non.

Enfin, le terme de ‘conscience’ est polysémique et davantage utilisé en philosophie qu’en science. Or, il n’est pas précisé dans quel sens celui-ci doit être compris. Ainsi, le lecteur y comprend ce qu’il croit sur cette question. Ce qui n’est pas du tout une base scientifique solide en effet.

Animaux doués de photosynthèse ©Patrick J.Krug

Continuons avec l’analyse de la seconde phrase de cette citation :

« Elle perpétue un biais anthropomorphique et induit en erreur le public non averti. »

Cette stratégie de manipulation est perverse, car elle consiste à reprocher à ses opposants quelque chose que l’on a soit même introduit dans le discours.

Comme démontré précédemment, c’est en réalité la première phrase de cette citation, qui introduit un anthropomorphisme en prétendant que les termes associés à de la sensorialité seraient issus de la physiologie des mammifères. Ce qui est faux !

D’ailleurs, puisqu’il n’y a pas que les Humains dans le groupe des Mammifères, choisir le terme d’anthropomorphisme est un bel aveu d’anthropocentrisme. 😉

Comment peut-on croire que les autres êtres vivants n’ont aucun sens pour appréhender leur environnement ? Ce ne sont pas des cailloux !

Enfin, une autre stratégie est utilisée dans cette seconde phrase. Il s’agit du fait de flatter son lectorat en le faisant passer pour un ‘public averti’ alors que n’importe qui d’autre (qui n’aurait pas lu cette citation) se laisserait abuser.

Cela laisse croire au lecteur qu’il est plus intelligent que les autres car il a accès à une connaissance que les autres n’ont pas. Comme une sorte de révélation, d’illumination même…

3 – Référence « scientifique » 🥼

Lorsqu’on n’a pas d’argument, il est courant d’essayer de mettre en avant des personnes faisant figure d’autorité pour tenter de faire croire que l’on a raison. C’est exactement la méthode utilisée dans cette infographie.

C’est pourquoi de nombreuses personnes n’ont pas reconnu, ici, une référence textuelle, mais uniquement vu une liste de noms de scientifiques.

Si cette référence avait suivi les normes ou conventions en vigueur, voici ce à quoi elle aurait dû ressembler :

Robinson, David G; Blatt, Michael R; Draguhn, Andreas; Taiz, Lincoln; and Mallatt, Jon (2023) Plants lack the functional neurotransmitters and signaling pathways required for sentience in animals. Animal Sentience 33(7). DOI: 10.51291/2377-7478.1782

Les noms des auteurs ne sont là que pour permettre la classification par ordre alphabétique des références.

Des détails sont ensuite donnés dans la publication afin de pouvoir éventuellement contacter ces chercheurs et leur poser des questions sur leurs travaux.

Car en sciences, ce qui est important, donc mis en avant, ce sont les preuves et non les personnes.

Cette mise en avant de scientifiques et de leur cursus est utilisé pour donner une validation scientifique à la citation vue en partie 2.

Si on regarde cette publication d’un peu plus près à présent, il est très vite visible qu’il ne s’agit pas d’une publication scientifique, mais d’un document d’opinion.

En voici d’ailleurs la conclusion :

« Sur la base de ce qui précède, nous sommes d’avis que la recherche incessante d’analogies en termes de signalisation électrique entre les plantes et les animaux est un exercice intellectuel futile et d’une valeur pratique limitée. »

Ces scientifiques donnent donc leur avis, leur point de vue.

De plus, cet article est publié dans une revue qui s’appelle : « Animal Sentience ».

Ce journal a été créé par la Humane Society of the United States qui a pour but de promouvoir la défense des animaux à l’échelle internationale. Son rédacteur en chef est Stevan Harnad, un activiste végétalien qui milite pour ‘les Droits des animaux’.

Il est donc évident que ces militants, qui justifient le fait de manger des végétaux et non des animaux en utilisant la notion de ‘sentience’, ne vont pas reconnaitre que 🌐des organismes de la Lignée verte peuvent être sensibles :

La lignée verte désigne l’ensemble des végétaux (plantes et algues) possédant un plaste vert issu d’une endosymbiose primaire (toutes les plantes vertes et la plupart des algues vertes) ou secondaire avec une algue verte (les autres algues vertes : les Chlorarachniophytes et les Euglénophytes).
Du point de vue de la phylogénie des hôtes de l’endosymbiose, c’est un groupe polyphylétique.
Du point de vue de la phylogénie des endosymbiotes (plastes), c’est un groupe monophylétique.

Sinon, c’est toute leur idéologie qui se casse la figure.

Nous voici bientôt arrivé à la fin de l’analyse critique de cette infographie. Il est temps, à présent, de regarder d’un peu plus près son origine.

4 – Source de l’infographie 🖼

Cette image fait partie d’une série de nouveaux visuels diffusées en janvier 2024 par la Page de Florence Dellerie – Questions animalistes :

Cette Page compte, au moment où j’écris ces quelques lignes : 8,6 K followers • 167 suivi(e)s. Elle est décrite comme traitant à la fois d’éthique et d’esprit critique.

Florence Dellerie s’y présente comme étant une personnalité publique, une autrice et une illustratrice scientifique indépendante.

Elle ajoute sur son Site :

« Je milite également pour la prise en compte des intérêts de tous les individus sentients, qu’ils soient humains ou non.

J’ai suivi un cursus universitaire en Sciences de l’Information et de la Communication, et m’intéresse tout particulièrement aux stratégies de communication internes et externes du mouvement animaliste ainsi qu’aux questions relatives à la perception sociale des autres animaux.

Une partie de mon travail est consacrée à l’éthique animale, à la solidarité et à la défense des droits humains, ainsi qu’à la promotion de l’esprit critique. »

C’est donc une spécialiste en communication, qui en maitrise a priori tous les codes, et milite pour le sentientisme.

Parmi les Pages suivies, on retrouve :

=> Des associations animalistes/végans/anti-spécistes/sentientistes…

L214 Education et L214 Food

One Voice

Sentience Rennes

Altruisme Efficace

=> Des associations dites de « zététique » ou d’esprit critique :

Le Comité Para

La Tronche en Biais

L’Extracteur

=> Des influenceurs faisant de la vulgarisation scientifique :

Scilabus

Dirty Biology

=> Des Parcs Naturels Régionaux et autres Pages naturalistes officielles.

Il s’agit d’un mélange de références scientifiques officielles, de vulgarisations scientifiques, de démystifications des pseudo-sciences et de militantismes politiques.

Cette Page prétend faire du scepticisme scientifique (🧠) et lutter contre les idées reçues, tout en utilisant des méthodes de manipulation caractéristiques des pseudosciences. Car on retrouve les mêmes procédés chez des Pages faisant la promotion de l’homéopathie, de la biodynamie ou encore de la scientologie, etc.

Les sciences sont faussement utilisées comme subterfuge pour faire passer des opinions ou des idéologies supportées par l’autrice. Elle prétend faire usage d’esprit critique pour corriger de fausses informations scientifiques. Alors qu’en réalité, elle contribue à en diffuser.

5 – Image d’arrière-plan 🖼

Les teintes de vert évoquent la « Nature » en utilisant la couleur typique des végétaux. Cela peut paraitre paradoxal pour une infographique qui n’attribue pas de sensorialité à ces organismes, alors que ce sont des êtres vivants… Je pense, cependant, que cela vient du fait que les végétaux sont associés à une idéologie hygiéniste. C’est pourquoi les régimes végétaliens et végétariens 🌿 sont souvent considérés comme sains et purs.

Ici, il ne s’agit de rien d’autre que la vieille méthode du blanchiment écologique (  »greenwashing » en anglais).

Ce vert est complété par un motif répété de cubes qui donnent une allure géométrique, carrée, cartésienne et donc sous-entendue scientifique à l’ensemble. On ne soupçonne que trop peu l’impact du symbolisme culturel sur notre cognition. 😉

6 – Image du lion 🦁

Pour le choix de cette illustration, je ne m’en tiendrais qu’à des spéculations à défaut d’informations concrètes.

Est-ce que ce Lion a été choisi parce qu’il s’agit d’un Animal ? A fortiori d’un Mammifère ? Un Carnivore pour faire un clin d’œil à ce que ces militants nomment des « carnistes » ?

Pour le contraste des couleurs avec le vert 🟢 (le « orange » 🟠 étant une teinte complémentaire) ? Parce que c’était la seule image disponible restante dans celles qui étaient à la disposition de l’auteure ?

Tout cela reste bien mystérieux et en opposition avec l’objectif de faire passer cette infographie pour de l’information scientifique rigoureuse. Il est probable que cela soit d’avantage l’artiste illustratrice qui s’exprime par ce biais.

Nous voici arrivés à la fin du mois de février et il est donc temps de conclure l’analyse de cette première image par un bref résumé des points développés jusqu’ici.

7 – Conclusion générale 👓

Nous avons vu que cette infographie est un document de propagande idéologique créé par une militante animaliste pour faire la promotion du concept philosophique de ‘sentience’.

Cette personne utilise et détourne des méthodes utilisées dans le domaine du scepticisme pour tenter de faire passer des idées qu’elle défend pour quelque chose de scientifique.

Cependant, après l’examen des sources de ce document, il est possible de constater qu’elle ne cite que des opinions d’autres militants animalistes et non des preuves scientifiques faisant consensus 👩🏻‍🔬.

En réalité, les opinions avancées dans ce document sont scientifiquement incorrectes et utilisent les biais cognitifs et les méconnaissances des personnes. Comme le font généralement les pseudo-sciences.

Ce qu’il faut retenir de cette infographie est clairement indiqué en vert clair dans le texte : « La sentience ne repose sur aucune base scientifique solide. Elle perpétue un biais anthropomorphique et induit en erreur les professeurs cités. » 😉

Le cumul des connaissances et les progrès technologiques permettent aujourd’hui d’avoir de plus en plus de publications scientifiques de qualité sur les capacités des organismes de la lignée verte (végétaux). Ce qui met en danger les principes fondateurs des idéologies animalistes. C’est pourquoi ces militants essayent de discréditer et, en quelque sorte, de « tuer dans l’œuf » ces Recherches.

Et je peux conclure en donnant, à mon tour, une citation extraite d’une revue de littérature scientifique :

« Dépouillées d’interprétations anthropocentriques (et zoocentriques), un nombre croissant de recherches indiquent que de nombreux comportements sophistiqués traditionnellement supposés être exclusifs aux animaux sont également présents dans le règne des Plantae, notamment la recherche de nourriture et de nutriments, l’évitement de la compétition et la prise de décision complexe. »

Référence :

Segundo-Ortin M, Calvo P. Consciousness and cognition in plants. Wiley Interdiscip Rev Cogn Sci. 2022 Mar;13(2):e1578. doi: 10.1002/wcs.1578. Epub 2021 Sep 23. PMID: 34558231.
https://wires.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/wcs.1578?fbclid=IwAR1VSr6G8nnUP2BgSddndUWLr500nz0-X4jjjiX5lFzJEfpmS64DbbOoi1Q

https://wires.onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1002/wcs.1578

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