Gluten, oméga3, vitamine K2, pseudoscience et carabistouilles

Cover artJ’ai découvert* le principe du podcast ces derniers temps, disons plutôt l’appli Pocket Casts sur android et qui me permet d’écouter les podcasts tous frais de la BBC, de France Musique, ou même de Brigitte Lahaie. Un podcast tout particulièrement intéressant à suivre étant le podcast Podcastscience.fm, très bien animé, avec pas mal d’épisodes accumulés au fil des ans, et tous disponibles, y compris sur sur Iphone ou Ipad grâce à l’appli sobrement intitulée Podcasts. Ou sur leur site web, ou via la plateforme Soundcloud. Je n’ai pas eu le temps de rattraper mon retard, mais gageons que le reste soit de qualité, même si tout ce qui concerne l’alimentation ne semble pas leur sujet de prédilection, la science est assez vaste tout de même.

Podcast Science - ISSN 2271-670X

Une émission m’a particulièrement intéressée, la n°198 sur les médecines alternatives, avec Nima du blog Sham&Science en invité. Plutôt bien tenue, elle nous invite à nous interroger sur les pratiques alternatives, comme la kinésio, l’homéopathie, l’acupuncture, et autres. Le ton y est étrangement modéré, ce n’est pas un podcast à charge, et on insiste avant tout sur l’aspect placebo de ces médecines. Peut-être même que certaines d’entre-elles auraient un placebo un peu plus fort que d’autres…je suis peut-être par nature bienveillant envers la naturopathie, et la phytothérapie, qui me semble à distinguer des autres, par son côté empirique et plus à l’écoute du patient, en tout cas, quand le praticien est bon, ce qui permet de ne pas appliquer bêtement ce que l’on est sensé avoir appris et intégré. Le manque de preuves scientifiques n’est-il pas à blâmer ? Si les grands-mères avaient du attendre les résultats d’études d’intervention, peut-être nous ne serions plus là…

Je me disais : Sylvain, fais-tu de la maudite pseudoscience sur ce blog ? Et notamment sur les sujets récurrents ?

Mmh.

Oui, peut-être. Ou pas, allez savoir.

Je me suis demandé quels sujets étaient le plus propices à la pseudoscience…je vais revenir sur certains classiques, y a pas que du neuf, mais je tiens à progresser un peu. Aussi je profite pour revenir sur certains sujets déjà abordés auparavant, mais qui intéresseront les nouveaux lecteurs, même si je conçois que cela n’amènera que déception et frustration chez les habitués.

  • Le gluten

Prenons le gluten par exemple, j’en étais resté à cet article sans vraiment trancher sur la sensibilité non-céliaque, qui affecterait bien plus de personnes que les simples céliaques ; la fameuse étude sur les fodmaps ayant levé le voile, en tout cas sur les symptômes digestifs. On pouvait dire qu’il restaient tout un tas de pathologies régulièrement associées, comme au hasard la spondylarthrite. Puis très récemment, l’étude que tout le monde attendait chez les partisans du gluten.

Donc « Hourrah ! » pouvait-on s’écrier ci-et-là, c’est la fin de l’histoire. Lanutrition.fr a donc relayé logiquement l’étude, en faisant confiance à l’abstract : les quantités sont données, on a les fameuses p-values qui permettent de mesurer la pertinence des résultats (c’est un peu plus complexe, je résume), et la conclusion se finit par un « significativement ». Et en plus mazette, une étude randomisée en double-aveugle, c’est Byzance.

Sauf que, sauf que…Alex Leaf, un invité du site Suppversity est allé fouiller les résultats en profondeur, tel un spéléologue des études, en consultant le texte intégral. Et l’étude est peut-être moins percutante que ce que l’abstract promettait. Les gars qui ont pondu l’étude indiquent également la sensibilité non-céliaque reste à prouver, en ajoutant même que certains individus ont plutôt mal réagi au placebo (une pilule d’amidon de riz). Flute. Crotte. Déception.

Source de l’image : Suppversity

Pour ma part : malgré des résultats un peu friables, on va attendre une étude portant sur des quantités. Je ne sais pas, mais 4,375 grammes par jour de gluten c’est peu, très peu tout de même. Et ce d’autant que l’on peut-être amené à s’interroger sur la quantité réelle de gluten ingéré massivement par les français, en tant qu’additif, ou dans le pain/biscuits/brioches en dehors des caractéristiques du blé moderne, comme le fait Thierry Souccar dans cet édito.

Entre 8 et 9g de protéines pour 100g de baguette de pain, et le gluten étant la majeure partie de la protéine du blé – tendre -, on peut se dire que les 4,375g de gluten sont vite dépassés en alimentation « moderne ». On peut se poser la question, de l’effet en fonction de la quantité. A suivre…et ce d’autant qu’une autre protéine spécifique au blé semble être à l’étude, chez les céliaques au moins. Et sans parler des pesticides (glyphosate), bien sûr ! Et évidemment ne pas dénigrer les autres symptômes que ceux liés à la digestion, qui ne sont pas l’objet de l’étude, telles que relevées par Seignalet, puis Jacqueline Lagacé, ou bien encore Jean-Marie Magnien.

Surtout que…je viens de tomber quelques heures avant de publier le présent article sur une nouvelle étude d’intervention qui va en intéresser plus d’un : la gliadine (la protéine du gluten suspectée d’être la plus nocive) augmente bien la perméabilité intestinale…chez tous les individus testés, peu importe leur statut concernant la sensibilité au gluten. Voilà qui pourrait relancer le débat…en tout cas sur les pathologies auto-immunes en cas de barrière intestinale trop poreuse…sachant que la gliadine n’est jamais totalement digérée…

Bilan : on n’en sait toujours pas plus, mais cette fameuse étude incite vraiment à creuser davantage en testant la quantité de gluten absorbée et l’intensité des symptômes. Si vous sentez que vous digérez pas trop le blé, et que c’est mieux de le restreindre ou de ne plus en manger du tout…alors vous êtes seuls maitres à bord, et pas la peine d’attendre une énième étude pour venir confirmer votre état de santé et votre susceptibilité au blé moderne, avec ou sans gluten, fodmaps, et j’en passe. Parfois le pragmatisme l’emporte plus que l’attente d’une étude pour faire les choix qui s’imposent d’eux-mêmes…

  • Huile de poisson, rance, et acides gras péroxydés

J’étais sacrément embarrassé l’an passé sur la consommation d’huile de foie de morue.

En fait, une étude également relayée par Suppversity sur Facebook est venue dédramatiser un peu tout ça : certains sous-produits de la péroxydation des oméga3 seraient bénéfiques, si je comprends bien…l’étude est disponible sur Researchgate, et ce sont des français bien de chez nous qui en sont les instigateurs.

Cela étant,  en ce qui concerne je me méfie toujours des versions fermentées, là il n’y a plus d’oméga3 intacts, alors il y a de quoi s’interroger.

garden of lifeBilan : préférer du (petit) poisson sauvage, ou du foie de morue, non fumé (bah oui, sinon ça revient un peu au même).  Sinon une huile de foie de morue non fermentée, l’hiver uniquement.

  • Vitamine K2

On va finir sur un classique du blog, la vitamine K2, j’en fais tout un fromage, mais qu’en est-il réellement ?

Weston Price affabulateur, charlatan, marchand de sornettes ? Déjà distinguons le monsieur et son apport direct, et la fondation qui…s’en inspire.

La Weston A. Price Foundation fait du bon boulot et du mauvais, mais pas en même temps. Ca dépend des auteurs. Chris Masterjohn est bon. Kaayla Daniel, ça dépend, son ouvrage à charge sur le soja est trop caricatural pour être digne d’intérêt. Mais son article sur les acides aminés des bouillons, et autres sous-produits gélatineux est vraiment bien, vraiment. Et après, y a à boire et à manger, comme toujours quand on parle d’alimentation. Ils ont une position pro-homéopathie qui me laisse dubitatif. Enfin, peu importe.

Weston Price, si on le lit dans le texte, a eu une attitude, ma foi, assez scientifique, l’intuition de la qualité des aliments sur les caries et la santé dentaire en général. L’idée de tester deux populations identiques l’une rurale et traditionnelle et l’autre urbaine semble marqué au coin du bon sens aujourd’hui, peut-être était-ce moins évident hier. Passons sur le racisme de ses textes, toujours douteux, mais semble une constante avant la seconde guerre mondiale. On a quand même un homme qui reprend les travaux des époux Mellanby  sur les caries, leur possible soin, et le rôle attenant de la vitamine D, et qui trouvant cela insuffisant, finit par tâtonner, voyager, prendre des notes, et découvrir un fameux facteur X qui aiderait « vachement » (ouais bon…) à soigner les dents de ses patients, surtout chez les enfants.

Le facteur X, resté « magique », ces midichloriens…pourrait-être un objet de raillerie incessant de la part de la solide communauté sceptique.

Sauf que voilà. Chris Masterjohn, jeune docteur a déblayé le terrain, et conclue chichement dans un magistral article : le facteur X n’est autre que la vitamine K2. Weston Price a donc découvert une vitamine, officieusement parlant ! Et le rôle de la vitamine K2 sur la mobilité du calcium, son interaction avec les autres vitamines (A et D) ne sont pas vraiment discutées.

Pour illustrer l’effet de la vitamine K2 sur les artères, 3 études récentes, sélectionnées au gré du cherry-picking habituel, merci à twitter et facebook de faire de la veille ;).

– Les statines seraient tellement contreproductives, qu’elles stimuleraient l’athérosclérose en plus d’inhiber la synthèse de la vitamine k2 dans les artères ; peut-être n’y vont-ils pas avec le dos de la cuiller à pot…

Une étude bien cadenassée (c’est à dire d’intervention, randomisée en double aveugle, le Saint-Graal des chercheurs qui ont la chance de pouvoir les effectuer…), avec un échantillon pas trop mauvais (244 femmes ménopausées) conclue sur le rôle positif d’une version spécifique de la vitamine K2, la MK-7, la ménaquinone-7…certains marqueurs biologiques ne bougent pas, mais la rigidité artérielle semble bien orientée (moins rigide).

Sur une étude batave un peu plus épidémiologique, les fromages, mais pas les autres aliments fermentés ont un effet positif sur la santé cardiovasulaire (ici la mortalité). Quand on a en tête que le gouda ou mimolette est un des fromages les plus riches en K2, on se dit, que ceci tombe sous le sens. Comme le rappelle l’auteur de Gestion Santé sur le meilleur article en français sur cette vitamine, les fromages hollandais peuvent cumuler la vitamine K2 sous sa forme mk4 (si les vaches broutent de la bonne herbe, c’est ça qui a été constaté par Weston Price, pour le facteur X), et leur méthode d’affinage particulière promeut particulièrement bien la synthèse de la forme mk7 de la vitamine K2. Toutefois le natto cher aux japonais serait supérieur…à condition de passer outre son odeur particulière. Enfin, le fromage rebute bien les asiatiques aussi…puissance de la culture…quand tu nous tiens. Le natto pourrait être ainsi un des éléments responsables de la longévité à Okinawa. Et on pense également aux populations méditerranéennes partagées entre fromages de chèvre et fromages de brebis.

La vie sans Banon, n'est que tristesse et abandon (©DSK)
La vie sans Banon, n’est que tristesse et abandon (©DSK, Tristane B.)

Bilan : la vitamine K2 c’est très bien, même dans les produits laitiers pleins de graisses saturées, voilà qui donne envie de claquer les gens qui répètent les mêmes insanités. Bon, choisir ses produits et ne pas abuser non plus, mais comme souvent une petite consommation est préférable à une abstinence totale…attention ce n’est pas la panacée non plus, et d’autres facteurs interviennent dans la santé cardio-vasculaire. Reste les caries et notre cher Price et/Ou Les Mellanby…faites-vous votre avis, allez chopper tous les textes de ces auteurs, vous avez le droit de rester sceptique, mais j’ai déjà discuté de ça dans les articles relatifs au tag caries et leurs commentaires sous-jacents, il reste des interrogations, mais le sujet reste à explorer (à quand une étude randomisée en double aveugle, tiens, pour amener les fameuses preuves ?) et le wikipedia français mentionne toujours cette foutue ancienne carie reminéralisée…je croyais que c’était pas possible, m’enfin. Le lien entre caries, maladies des gencives et maladies cardiovasculaires est aussi réel, même si des chercheurs pointent d’autres causes que la vitamine K2 qui viendrait « magiquement » résoudre tous les problèmes, bien sûr, cela serait trop simple.

J’avais promis des carabistouilles, en plus des précédentes ;),  en voici d’autres.

carabistouille-1carabistouille-2 carabistouille-3

* avec 10 ans de retard on ne se refait pas.

** Non ça ne correspond à rien dans le texte, mais foi d’idée fixe, j’aime les astérix.

4 commentaires sur “Gluten, oméga3, vitamine K2, pseudoscience et carabistouilles

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  1. Salut Sylvain,

    Très bon article.
    J’aime tout particulièrement cette phrase : « Si les grands-mères avaient du attendre les résultats d’études d’intervention, peut-être nous ne serions plus là… »

    J’adore la science mais plus je lis des études ou des articles plus je commence à me demander si tout ça à vraiment un sens.
    Je discutais avec un maasai (qui vit à Nairobi pour se faire de l’argent…youpi monde « moderne » !) et quand il me dit qu’il se soigne avec des plantes etc j’avoue que j’ai du mal à le contredire en disant que ce qui me dit c’est du bullshit car ça n’a pas été prouvé en RCT avec un échantillon N et une p value significatifs.
    Je ne dis pas que les études sont inutiles ça nous permet de comprendre mais j’ai l’impression que ça devient de plus en plus difficile de faire le tri entre les études biaisées par les financements, par les à priori des chercheurs eux mêmes, par le fait qu’il y a toujours un défaut dans la méthodologie qui vient remettre en cause les résultats, par le fait que de toute façon ça fini souvent par « further investigations are required » et que devant le nombre d’études c’est très difficile de rester objectif à 100% quand on veut tirer une conclusion.

    Bref je me demandais toi qui a la tête dans les études quelle est ton opinion sur tout ça ? Est-ce que parfois tu te dis pas que la science va trop loin et qu’il faudrait pas qu’on fasse preuve de plus de bon sens et de sagesse ?

    1. Merci 🙂

      Le problème c’est qu’au niveau individuel, la réponse n’est pas la même. Je suis sûr que le plus têtu des sceptiques qui ressort en forme d’une séance d’acupuncture…y retournera avec plaisir, et cessera de mettre en avant le côté placebo. Bon il s’en doute, mais quand tu as trouvé un truc qui marche, tu as pas envie d’en réduire les effets en étant négatif…la part de croyance fausse tout hélas.

      Après pour les maladies modernes, et surtout pour le cancer, bon, c’est pas à prendre à la légère.

      Mais l’être humain reste un être de croyance. Même les sceptiques croient. Pas en la même chose que « les autres » c’est tout. Ils savent que quand quelque chose n’a pas été prouvé, on a pas réussi à prouver le contraire non plus, et pourtant ils franchissent le pas allègrement…au moment de l’article de McCarthy sur les aspects porcins de l’homme, leur réponse a été cruelle, sarcastique…mais vide. Un ou deux, ou trois arguments discutés, mais que McCarthy avait déjà pris en compte dans son site. Ont-ils lu jusqu’au bout son argumentation ? J’en doute franchement, ils ne feraient pas cette erreur de débutant…

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